lundi 3 mai 2010

90. Prose apocalyptique.

J'aimerais faire entendre ma prose apocalyptique.

Nous sommes en 2021. Les choses, qui ne pouvaient qu'empirer, empirèrent en effet – furent, nous sommes précis au cœur des désastres, terribles. Parlons économie : l'agriculture ne fut plus rien. L'industrie ne périclita pas. On s'étonna, un jour de ne plus entendre parler de fermeture d'usines. Plus rien n'était à fermer. Restèrent les fonctionnaires et les services. Occupés à ne rien produire, il ne virent rien (certains, encore coquets, ne voient toujours rien). Le taux de chômage est de 8%. Le taux non-modifié est de 19%.

Un miracle a lieu chaque jour : personne ne se demande comment si peu de gens payés à ne pas produire font vivre autant de chômeurs.


La couleur de peau et la religion définissent ce que nous sommes...

[à poursuivre]

Plan.


1- Ordre historique.

Mandats A / B / C / D / E / F / G / H / I / J

A = Avant naissance
B = JQ enfant + adolescent
C = JQ militant
D = JQ sous secrétaire d'État.
E = JQ président / grand ministre
F = échec/délivrance
G = satire des ministres qui passent.
H = mondialisation
I = le temps passe/ce qui précède notre rencontre.
J = je le rencontre
K = après la rencontre 1.
L = mort LQ
M = après la rencontre 2.

2A- Ordre diégétique 1.

0- Préface.
I- J = Je rencontre J.Q. Mon projet. Sujet. Récits de notre amitié.
II- I = ce qui précède notre rencontre. Juste avant que nous nous voyions. Ce qui passionne tout le monde = pkoi attentats. Moi différent.
III- H = mondialisation/symptôme/Le crâne parle.
IV- G = satire des ministres?
V- F = nous y voilà, la délivrance.
VI- E = JQ ministre intérieur.
VII- D = sous secrétaire d'État.
VIII- C = JQ militant
IX- B = JQ enfant + adolescent
X- A = Avant naissance (pas simple mandat).
XI- KLM = Après la rencontre tout le monde meurt = Julien / politiques / moi // Mort du pays.

JIHGFEDCBA-K

2B Ordre diégétique 2 :

I- Je le rencontre = I. Julien.
II- Son parcours. ABCD
III- La délivrance. E.
IV- Galerie de portrait narrativisée = certains princes. F.
V- Livrés pieds et poings liés à la mondialisation : G
VI- Le temps passe = H.
VII- Retour à I. puis après J.
VIII- Brûlent les voitures. K. [// des deux morts]

I-ABCDEFGHIJK

=> Chaque partie a un INTÉRÊT NARRATIF (qui n'est pas toujours le même, ni même la délivrance) // à cette narration, un INTÉRÊT THÉMATIQUE. Mais pas de dispersion générique. Rôle du conteur.

89.

Il n'évoquait qu'avec pudeur ses années militantes. Banales – je le croyais. Elles étaient sottes. Il avait offert sa candide intelligence au monde, quelques années ; des années auparavant, il pensait offrir son cœur. Son cœur sacré rayonnait. L'or et la joie dégouttaient lorsque seul devant son miroir, quelques amis, il répétait les mots entendus la veille, l'or, la gloire de coïncider enfin avec ce qu'il convoitait, l'image grande, faite sienne, suivre le chemin de perfection jusqu'à éclater : sa voix d'orage, une phrase improvisée, enfin le miroir qui se fend et offre au monde De Gaulle, Jaurès à la taille fine, parfumé. Il s'était pavané et en avait honte. On citait abondamment, au cours des années 2010. De Gaulle et Jaurès, on citait encore Mendès, on citait Giscard – la gloire lui avait été refusée de son vivant ; des hommes dont on ne connaissait que le nom – le nom de rues – Péguy, Barrès, Bernanos, et, quand la maladresse politique rejoignait l'inculture, Maurras. On cita Gobineau (une phrase qui en impose, pas même de lui), on dut démissionner. Restaient toujours Aragon, Eluard, Malraux, etc. Le secrétaire d'État se souvenait avec honte des ses années de lycée, d'étudiant argenté, la fleur au vent. Il n'avait pas posé son soulier sur un bidon, mais son écharpe volait au vent. Il parlait, fascinait de temps à autres, chemise superbe, jean, mocassin, paraissant en majesté, les rayons ruisselant. Il n'y pensait plus mais, c'était là son scrupule, que lui même ne confondait pas avec la modestie, qu'il ne pratiquait pas, qui lui était aussi étrangère que l'arrogance, sa fierté : il ne donnait point dans la ventriloquie.

88.

La sainteté n'est pas évidemment de ne plus rien avoir, ni même de ne savoir ou pas si l'on possède. Elle est d'être indifférent à la possession ou à l'absence de possession.

De même, la sainteté politique (les exemples donnés tendent à nous faire croire que l'expression ne relève pas nécessairement de la rhétorique) ne consiste pas à refuser de voir les articles et sondages désagréables, mais de les lire et de les oublier aussitôt. La comédie de l'abnégation est pareillement pénible.

Julien n'était pas un saint. Il était peiné, il avait cependant la décence d'éviter je n'ai pas été élu pour plaire aux sondeurs, etc. Il n'eut jamais l'humilité, ou la forme dernière de l'humilité qui est l'indifférence. Il souffrait avec pudeur.

87. Mathesis générale (suite).

Nous occupons notre temps à revivre, à réinterpréter ce que nous avons voulu et fait afin de faire coïncider ces faits et ces pensées avec un mystérieux projet, un projet bon, qui nous permet de trouver grâce à nos propres yeux. Ce projet, nous ne savons qui le secréta. Les événements nous l'ont imposé, et bien sûr, nous ne pouvons que l'adopter, quitte à nous justifier, à intégrer dans ce projet ce qui vient de bien d'autres projets, pareillement imposés (ou imposés par le hasard) ne relevant pas du choix, pareillement causes de réinterprétations qui rendent notre vie cohérente, belle et bonne, simple aussi, lumineuse : déjà parée pour la pesée des cœurs. Ainsi, les échecs sont de bonnes choses, in fine, les cercles et flammes de la mathesis générale, tournent et s'emboîtent, harmonieux, tournent et voient voleter, autour du mandala que nous nous épuisons à tracer, dieux et démons (nos laides et belles actions), que nous ne pourrions supporter s'ils n'apparaissaient pas sous cette forme, bien ou mal que la dérision n'entame pas, beaux et grands, dans le bien ou dans le mal (et tournent les mondes du mandala).

Julien acceptait que sa vie fût désordonné. C'est une qualité rare. Il avait d'abord accepté d'avoir fait le mal. Il prenait le mal sur lui : il l'avait bu. Il avait tenté bien des choses : trouver une excuse, impliquer le hasard, dire qu'un bien venait toujours d'un mal, parler inexpérience, bonne volonté, orgueil. Il s'était vu cynique, martyr, il s'était scruté et avait failli se contempler. Il se serait dès lors oublié : aurait publié un volume, aurait peut-être fait carrière. Tout se justifie toujours. Il ne s'était pas scruté lui, mais son démon intime, sa forme personnelle du mal (il ne s'était pas demandé si d'autres formes existaient) : d'abord le mélange de sottise, d'imprévoyance, de désinvolture qui pousse à soutenir que c'est la seule chose à faire, qui mène au mal ; ensuite, le désir de voir autre chose dans le mal que ce qu'il est : lui donner des excuses, dire l'avoir désiré, et le présenter comme un projet. Julien avait considéré sa vie de manière dérisoire : il savait qu'il n'était pas quelqu'un de bon (s'en désespérait), il savait qu'il était insignifiant, en somme, il refusait d'être autre chose que minable. Il n'avait pas été le chevalier qui se lave de fautes. Ce n'était pas même délibéré.