Il n'évoquait qu'avec pudeur ses années militantes. Banales – je le croyais. Elles étaient sottes. Il avait offert sa candide intelligence au monde, quelques années ; des années auparavant, il pensait offrir son cœur. Son cœur sacré rayonnait. L'or et la joie dégouttaient lorsque seul devant son miroir, quelques amis, il répétait les mots entendus la veille, l'or, la gloire de coïncider enfin avec ce qu'il convoitait, l'image grande, faite sienne, suivre le chemin de perfection jusqu'à éclater : sa voix d'orage, une phrase improvisée, enfin le miroir qui se fend et offre au monde De Gaulle, Jaurès à la taille fine, parfumé. Il s'était pavané et en avait honte. On citait abondamment, au cours des années 2010. De Gaulle et Jaurès, on citait encore Mendès, on citait Giscard – la gloire lui avait été refusée de son vivant ; des hommes dont on ne connaissait que le nom – le nom de rues – Péguy, Barrès, Bernanos, et, quand la maladresse politique rejoignait l'inculture, Maurras. On cita Gobineau (une phrase qui en impose, pas même de lui), on dut démissionner. Restaient toujours Aragon, Eluard, Malraux, etc. Le secrétaire d'État se souvenait avec honte des ses années de lycée, d'étudiant argenté, la fleur au vent. Il n'avait pas posé son soulier sur un bidon, mais son écharpe volait au vent. Il parlait, fascinait de temps à autres, chemise superbe, jean, mocassin, paraissant en majesté, les rayons ruisselant. Il n'y pensait plus mais, c'était là son scrupule, que lui même ne confondait pas avec la modestie, qu'il ne pratiquait pas, qui lui était aussi étrangère que l'arrogance, sa fierté : il ne donnait point dans la ventriloquie.
lundi 3 mai 2010
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