mercredi 27 janvier 2010

16. Parlons agoniques (F ; G-M).

Parlons agoniques.
Depuis qu'un médecin les condamne, les vieillards portent beau. Les poumons ne sont plus, le sang pauvre circule plus lentement et, même si l'estomac confit, les entretiens se succèdent. Un volume de mémoires paraît et s'y mêle toujours le calcul.

Entrons plus avant dans la maladie.
Les journalistes ont disparu comme la plupart des amis. Restent une domestique, un garde du corps – également vieillis, un jeune homme lui rendant visite, la demeure familiale ; non loin, un champ et ses ormes, la fenêtre s'ouvrant sur une pièce d'eau, le ciel qu'il scrute enfin. Lui qui a toujours écrit a cessé. De rares amis l'écoutent, le jeune sot aussi, il s'en satisfait. Il parle culture, politique, évoque un désastre passé, le tumulte du monde. Il pense, dit-il. Il n'est pas plus sincère que d'autres, seulement, ce n'est pas un allié, un envoyé spécial, un futur historien qu'il tente de convaincre. Il n'est pas humilié, seul, le vide à ses pieds : il ne regarde pas. Il a oublié Dieu, parle de lui avec gaieté. Le laisse-t-on seul quelques heures, il parle chiffons avec l'infini. Il est peu confiant, l'humilité ne le concerne pas. Depuis qu'il n'a plus faim, le matin et vers six heures, les regrets ne sont plus pour lui, il pense moins qu'il ne s'absente et, à la fenêtre, seul, il s'est habitué à sourire.

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