jeudi 19 août 2010

120. Des accoudoirs.

Il semblerait que sa vie aboutît à ces accoudoirs, et à ses mains qui se posent sur ces accoudoirs.

Ils ne sont pas seulement riches – le cuir qu'enserre l'or et la branche d'or tordu qui, partant du dossier, tourne puis les forme. Ses mains ne reposent pas ni ne se crispent dessus. Elles se sont lovées autour, jusqu'à l'entourer, comme serpentent, plus bas, pierres et dorures. Elles vérifierait que le trône est encore là, et qu'on jouit de bon droit. La tête ne penche pas, les jambes sont droites.

Il contrôle ce qu'il ne possède pas, et peut détruire ce qu'il n'a pas.

Il s'est assis, un jour, et ne songe pas à quitter ce fauteuil.

Il pourrait ne pas vivre à Paris sans cesser d'être le centre sans lequel il n'y a pas de circonférence.

Les transactions, les avertissements, les descentes de polices, les passages à la caisse ont un même sens et sont une même vérité, viennent d'un même point qu'ils rejoignent pour aboutir.

L'ennui, la mort, qui arriverait s'il était homme, si Dieu veillait, une révolte, un coup du hasard ne mettront pas un terme à cette jouissance continue, à la puissance qui affleure, qui se manifeste par salves ou par vagues, qui le traverse, l'accable parfois de ses frissons.

Son vieux costume, qu'il ne change pas, ses cheveux gris qui refusent de blanchir, son hôtel vide, la tristesse des murs, la blancheur et le bois, un sourire continu sont sa grandeur.

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