[Voilà donc ce qu'est Julien].
Je ne retranscrirai pas nos entretiens. Je n'en suis pas capable : je ne prenais pas de notes, n'enregistrais pas, j'ai une mémoire d'homme.
C'était il y a huit ans, ce n'était pas un rêve, et pourtant notre amitié prend les couleurs du rêve. De certains mois, je n'ai conservé qu'un souvenir, qu'une image, qui dut peut-être se répéter vingt fois : c'est ce que nous nous disons aussi, au matin, quittant un rêve de huit seconde, que nous vécûmes une heure, et donc chaque instant fut répété et donna l'illusion de la durée. Ai-je vraiment accepté cent fois de boire une bière, admiré ce parquet, scruté ces lustres, vu par la fenêtre le fleuve et, après le fleuve, les arbres et la Saône ?
Je ne pourrai pas me rappeler ce qu'il me dit. Quelques phrases me viennent à l'esprit comme « Je vous remercie d'être venu », « ce sont des minables » qui purent me surprendre, des analyses (qu'il déroulait impeccablement, avec l'exactitude et la virtuosité qui sont les marques de son malheur) dont il ne reste rien lorsque j'essaie de les faire miennes, des mot qu'il répétait (« exactitude », « faillir », « mission ») sans savoir d'où vient cette récurrence, de lui ou de mon désir, au sortir d'un rêve, d'avoir vécu ce rêve, des marottes, des goûts, son absence de verve, d'audace, des habitudes de vieillard (il avait XX ans).
Je me dis parfois : il dirait ceci, il accueillerait cette mesure d'un sarcasme, il serait peiné, voilà ce qui susciterait un « soit » terrible. Cette pensée ne vit pas dix secondes, qui est la durée d'un rêve, n'a pas d'intensité, ou me semble agréable, désagréable, ou glaçante, qui sont les propriétés du rêve.
Des souvenirs et des cadeaux me persuadent de ce que je sais déjà, dont je ne dispose déjà plus.
Je ne retranscrirai pas nos entretiens. Je n'en suis pas capable : je ne prenais pas de notes, n'enregistrais pas, j'ai une mémoire d'homme.
C'était il y a huit ans, ce n'était pas un rêve, et pourtant notre amitié prend les couleurs du rêve. De certains mois, je n'ai conservé qu'un souvenir, qu'une image, qui dut peut-être se répéter vingt fois : c'est ce que nous nous disons aussi, au matin, quittant un rêve de huit seconde, que nous vécûmes une heure, et donc chaque instant fut répété et donna l'illusion de la durée. Ai-je vraiment accepté cent fois de boire une bière, admiré ce parquet, scruté ces lustres, vu par la fenêtre le fleuve et, après le fleuve, les arbres et la Saône ?
Je ne pourrai pas me rappeler ce qu'il me dit. Quelques phrases me viennent à l'esprit comme « Je vous remercie d'être venu », « ce sont des minables » qui purent me surprendre, des analyses (qu'il déroulait impeccablement, avec l'exactitude et la virtuosité qui sont les marques de son malheur) dont il ne reste rien lorsque j'essaie de les faire miennes, des mot qu'il répétait (« exactitude », « faillir », « mission ») sans savoir d'où vient cette récurrence, de lui ou de mon désir, au sortir d'un rêve, d'avoir vécu ce rêve, des marottes, des goûts, son absence de verve, d'audace, des habitudes de vieillard (il avait XX ans).
Je me dis parfois : il dirait ceci, il accueillerait cette mesure d'un sarcasme, il serait peiné, voilà ce qui susciterait un « soit » terrible. Cette pensée ne vit pas dix secondes, qui est la durée d'un rêve, n'a pas d'intensité, ou me semble agréable, désagréable, ou glaçante, qui sont les propriétés du rêve.
Des souvenirs et des cadeaux me persuadent de ce que je sais déjà, dont je ne dispose déjà plus.
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