mercredi 16 juin 2010

95. Ascension (1/*).

Je dirai en quelques mots ce que fut son ascension. Il était facile de la reconstituer (un papier du Monde, un portrait du supplément du Figaro, plutôt favorables). Peu de gens furent serviles avec Julien (ou pendant quelques semaines seulement). Sa chute montre nettement qu'aucune puissance sinon quelques amis et quelques sondages ne le soutenaient.

Il n'avais pas été remarqué immédiatement. Il n'était pas terne, quoique sans éclat, mais sa personnalité, mettons ses feux, étaient discrets, et ses rares qualités demandaient du temps avant d'être appréciées. Il était allé à un meeting, sa fiancée l'avait traîné. Il était retourné à une convention du parti. Il avait discuté (c'était là ce qu'il réussissait le mieux, parler et charmer qui écoutait, et laisser une impression qui ne parvenait pas à se fixer sur tel détail, ou sur un détail infime, comme un sourire que rien ne laissait présager à ce moment, un mouvement maladroit et sincère des mains, une bonne volonté qui n'offensait pas, un morceau de phrase, une résignation). Il était expert du ronron qui n'est pas le galimatias. Il avait discuté dans le bureau du député, s'était ennuyé sans le paraître. Il avait participé à une grève et à quelques manifestations.

Une première intervention qui n'avait pas été remarquée : « La place des séniors dans la société de demain ». C'était honnête et rien n'importait plus, à l'époque, que l'absence de gaffes. Une tape sur l'épaule, des applaudissement peu nourris.

Pour un autre meeting, il manquait ce qui pourtant manque rarement : un jeune homme de bonne famille. Derechef, « La place des seniors dans la société de demain » dont une virgule changea, un paragraphe fut déplacé, la première et la dernière phrase. Une autre intervention de prévue : « Face à la droite sécuritaire ». Bien moins bon, il fut acclamé. Une tape sur l'épaule, une discussion, deux phrases dites ; il portait beau, le voilà cadre. Quatre ans avaient passé.

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