mercredi 16 juin 2010

96. Ascension (2/*).

Il nous faut à présent parler de Paul. Il me semble impossible de comprendre ce qu'a été Julien sans l'évoquer. C'était un camarade, entendons par là un concurrent, c'est-à-dire un adversaire. Les querelles d'idées étaient inévitablement des querelles de personne. Les chapelles n'avaient qu'un culte : la victoire politique de celui qui officiait.

Julien et lui se ressemblaient plus qu'ils ne l'avouaient : ils étaient beaux et arrogants. Ce n'était pas une mèche qui pendait ou tombait mais un noir profond, précocement piqué de cheveux gris, frisait, désolait Paul de friser, épousait le contours d'une oreille (Paul ne va que de profil). Une vague et des golfes clairs, une jeune calvitie, les sourcils plus noirs, longs, anguleux, et qui, eux, ne seraient jamais blancs, ni gris. Volontaire, se voulant raffiné, aisé, facile, bavard, plus sûr de soi qu'on ne le fut jamais, désireux de paraître supérieur et certain de l'être, sans nul défaut que cette pathologique confiance en soi, alors que personne ne contestait ses dons de garçon intelligent, capable, qui charmait. Il empâtait, cependant. Il m'est facile, vingt ans plus tard, d'expliquer que Paul était fondamentalement antipathique. C'était une impression que peu partageaient. Tout au plus était-il léger ou confiant plus que de raison.

Ils ferraillaient : les jeunes loups, les pragmatiques, la relève (libérale), les dispensateurs d'espoir, ceux qui offraient un rêve (selon qui les présentait) devant les fondamentalistes, les archaïques, les humanistes, modérés sans doute mous. Ils s'étaient affrontés au congrès, ils se seraient affrontés une vie durant.

Le lendemain de congrès (matin, six heures), Paul eut un accident de voiture. Julien et le Parti allèrent aux obsèques. Nous sommes le ** février. Les élections se tiennent en avril.

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