lundi 5 juillet 2010

106. Boutini.


La vertu blessée ne crie pas si fort.
[La vertu ne crie pas si fort qu'elle est blessée.]

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J'imagine cependant autre chose. Le temps a passé sur celle qui fut, un jour, applaudie. Nous sommes en Italie. Le fond de ciel gris, qui n'est pas plus un mur qu'un matin, l'indique : nous pourrions le supporter partout, non en Italie, qui est tout de même peu de chose lorsqu'un rayon de soleil ne l'éclaire pas. Nous sommes en hiver, par la fourrure sombre, et que j'aimerais tout de même plus claire, plus chère aussi, sur une veste de cuir. Nous savons tous par quoi elle a passé. Les souffrances du pays furent les siennes : la grande dévaluation, les fils morts à la frontière, les échecs et les défaites. Elle a présidé quatre fois et vingt ans. Rien ne lui résistait, ni ne lui résiste, patrons, opposants, syndicats, non pas subjugués ou matés : lui parlait-on, il n'y avait plus de sol à nos pieds. Elle appartient à ce corps de politiques persuadé que ne pas confondre sa bourse et celle de l'État signifie être honnête, et que l'honnêteté justifie de confisquer la puissance publique. Concédons-lui ceci : le pouvoir dont elle dispose sert rarement ses caprices, rarement ceux du pays (qu'elle confond parfois, et oublie qu'étant l'État, elle n'est toutefois pas l'Italie) et, la plupart du temps, son intérêt. Elle n'est pas devenue cynique, ni indifférente. Cependant, comme Dieu sans doute, rien ne parvient à la surprendre. Les désastres ne sauraient l'émouvoir : ce sont les situations ou les circonstances qui tendent ses traits, non les conséquences, largement prévues. Son veuvage ne prend pas fin. Sa peau ne s'est pas figée. Des poids vibrent parfois sur son visage tendu de deuil.

Une main douce, prise dans la fourrure, tient un pays – a fait ce pays. Le mot « dame » n'a jamais été prononcé.

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