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dimanche 13 février 2011
mardi 8 février 2011
274. Souvenirs.
Ce sont les exclus et les perdants qui rédigent les mémoires. Je ne prétend même pas à cela. Je n'ai pas existé. Sans doute, des historiens et quelques maniaques se souviennent. A quelle grande entreprise qui hausse l'homme au-dessus de ce qu'il est, à quelle révolution, à quelle guerre, même raisonnable ai-je participé ? Et ce qui m'a valu de disparaître, le désastre même, ne fut pas grand. Les morts mêmes étaient insignifiantes. Elles ne marquaient rien. Les mères pleurent encore, mais c'est la police qui a tué, et rien de politique, rien d'envergure n'explique ni ne se rattache à ces morts. Onze morts, est-ce une raison pour entrer dans l'Histoire ?
Voici pourtant des souvenirs. Je n'ai rien vécu, j'ai pourtant fréquenté des hommes importants. J'en ai aimés certains. J'ai assisté de près au jeu du pouvoir (gnagnagna), à son impuissance. J'aurai de longues réflexions à infliger au lecteur (nul).
Voici pourtant des souvenirs. Je n'ai rien vécu, j'ai pourtant fréquenté des hommes importants. J'en ai aimés certains. J'ai assisté de près au jeu du pouvoir (gnagnagna), à son impuissance. J'aurai de longues réflexions à infliger au lecteur (nul).
Voilà....
273. Luxe.
J'ai connu le luxe des ministères. Lorsque je considère ma vie, ce qui suivit et précéda ma carrière de ministre, ce luxe était évident, sans doute excessif. Je n'avais à penser à rien. Je n'en garde presque aucun souvenir. Je pense avec plaisir à mon bureau, fort grand, brun et précieux. Quelques généraux d'Empire l'utilisèrent je crois. J'aimais qu'il ne soit pas doré mais que les veines et les baguettes soient noires. Je pense aux fenêtres et au parc sur lequel elles s'ouvraient. Je pense pareillement à des antichambres dorées, aux tableaux trop sombres ou trop rouges, aux laquais, aux damiers dans les hall, au pavage de marbre. Nous étions émerveillé. Un mois plus tard, nous étions indifférents. Le vernis, les laques, les costumes les chauffeurs ne nous inspiraient rien. Nous savions que les tapis salissent, que dès que nous sortons des hall, des couloirs tristes et lugubres parcouraient les bâtiments. Les berlines étaient noires. Je ne crois pas me souvenir d'elles. Elles roulaient, elles devaient être tendues de cuir. J'aimais la neutralité toute bienveillante de ma maison. Je l'ai oubliée dès que je partis. J'aimais bien une bergère, dans un salon. Elle s'ennuyait. Elle n'était pas gracieuse, et le peintre l'avait voulu. Elle savait qu'elle n'avait ni dons ni beauté pour lui servir. J'aimais sans doute l'espace.
On décidait à ma place. C'est ce qui me manque le plus, je crois, de n'être pas même compétent pour le choix d'un restaurant, pour le changement d'une fenêtre, d'une cartouche d'encre. Que d'autres pensent pour moi, dorment parfois, écrivent était un soulagement qui ne me rendait que plus terrible l'urgence de chaque instant : décider.
Ce que je quittai n'avait aucune importance.
Ce que je quittai n'avait aucune importance.
272. Réponse à P. B.
Il n'est pas vrai que les vieillards comprennent mieux ce qu'ils vécurent à trente ans, que ceux qui se sont retirés du monde, que les aveugles qui ne connurent jamais le monde, par leur surplomb en tout, parviennent à s'extraire de l'événement, à mieux le cerner pour mieux l'écrire. Il n'est pas vrai qu'en stabilisant les combats et les tourments qu'ils connurent, ils perdent quelque chose. L'incompréhension n'a pas décru. Ce qui s'expliquait encore dans l'action est plus terne ou plus vif, mais moins clair. Les actions se succèdent, sans doute. On les fait trop bien tenir, elles tiennent différemment. On ne sait pas ce qui les relie, pourquoi elles se succèdent. Pourquoi elles eurent lieu.
Trouble supérieur à celui dans l'action.
Trouble supérieur à celui dans l'action.
lundi 7 février 2011
271. Diverses nouvelles phrases.
J'épargnerai à mon lecteur comme je m'épargnerai un long lamento...
La seule chose dont on se rappelle de moi.
Implication du je. Je n'eus pas à le fréquenter.
Je suppose qu'une vie doit être une somme d'actions, de souvenirs, de douleurs, de plaisirs. Pour la mienne, je n'ai pas cette impression.
La seule chose dont on se rappelle de moi.
Implication du je. Je n'eus pas à le fréquenter.
Je suppose qu'une vie doit être une somme d'actions, de souvenirs, de douleurs, de plaisirs. Pour la mienne, je n'ai pas cette impression.
N'être qu'une ligne dans les encyclopédies les plus sérieuses me console.
Délivrance : Je n'ai pas prononcé ce mot. Il était stupide qu'il paraisse dans la presse et qu'il résume l'événement. Pourrais-je dire que je ne l'ai pas pensé, et que tout ce que je fis ce soir-là ne se résume pas à cela : une délivrance.
A mesure que l'attente augmentait, imminence, déconfiture, soudaine victoire, que ces mots allaient avoir un sens, ma patience croissait d'autant.
Délivrance : Je n'ai pas prononcé ce mot. Il était stupide qu'il paraisse dans la presse et qu'il résume l'événement. Pourrais-je dire que je ne l'ai pas pensé, et que tout ce que je fis ce soir-là ne se résume pas à cela : une délivrance.
A mesure que l'attente augmentait, imminence, déconfiture, soudaine victoire, que ces mots allaient avoir un sens, ma patience croissait d'autant.
270. Lancar.
Sa bassesse n'avait pas de limite. Il ne travaillait que pour un clan et, dans ce clan, pour deux, peut-être trois hommes. Il avait si peu d'idées, si ce n'est qu'il convoitait le pouvoir et qu'il devait appartenir à lui et à ses amis. Il ne connaissait pas les dossiers. La mauvaise foi la moins supportable. Rien à dire et des manières insupportables, faussement bienveillantes, faussement apaisées, patelines. N'étant rien, ses interventions publiques lui permettaient de prendre des masques contradictoires, des changements à peine tenables en trente ans de vie politique. Il avait été l'ami fidèle, le légaliste, celui qui ose parler vrai, qui brise les tabous qu'instaure le politiquement correct, le sage, celui qui appelle à la modération et à l'union des hommes de bonne volonté. Il n'avait pas vingt-cinq ans. Il était beau, dit-on. Mais la vulgarité de chacune de ses attaques avait assoupli les traits fins de son visage. Il prenait du ventre comme on prenait du galon. On ne connaissait jamais les proportions exactes de cynisme et de sottise dans ces déclarations calculées et qui apportent la délivrance. On aimait qu'un jeune homme portât des chemises et des vestes et qu'il le fît aussi bien. Mais c'était un costume de laquais qu'il portait. Il aspirait à beaucoup de chose. Il ne crachait pas moins de choses. Il devait présider quelque comité. On se moquait de lui mais savoir qu'il existait l'arrachait à son néant. Qu'on aime, à voir qui l'aimait, le rendait plus odieux encore. Il n'incarnait rien.
Il ne ferait pas carrière toutefois. On trouverait de plus talentueux. Son souci n'était pas d'être plat et cynique, de n'avoir rien à dire et de montrer un orgueil inouï, mais de faire comprendre sans doute très clairement que son clan et le parti auquel il appartenait était ceci : la conservation sociale, peu importent les moyens, et la perpétuation de la misère et de la richesse.
269. Un mot.
Il y avait les notables, les adhérents historiques, ceux qui n'avaient rien renouvelé et que l'on comptait toutefois, ceux qui n'avaient jamais rien signé ni payé, les conventions, les déclarations, les promesses. Lorsqu'il parla, il semblait employer une langue neuve. Elle était seulement moins figée. Les mots venaient moins sûrement. Il hésitait parfois. La haine se sentait moins. Peut-être même n'existait-elle pas. Ce qui tenait à l'idéologie aux refrains et à ce qui devait se dire et s'entendre lors de chaque congrès, ce que chaque secrétaire disait et répétait, il ne le disait pas. Il avait la qualité qui l'emporte sur toutes les qualités : il était nouveau. Il n'était pas exempt de défauts. Il n'était pas éloquent, mais ce qu'il disait nous plaisait.
Nous nous contentions de peu. Un mot nous suffisait. Les positions étaient figées si bien qu'un mot qui disait qu'elles n'existaient pas nous comblait.
Nous nous contentions de peu. Un mot nous suffisait. Les positions étaient figées si bien qu'un mot qui disait qu'elles n'existaient pas nous comblait.
JQ
Son absence de flegme, au point de s'agiter et de presque manquer de dignité.
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Il devint ce qu'il crut être, la France.
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L'Etat, càd Julien Queuille, désirait...
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Il devint ce qu'il crut être, la France.
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L'Etat, càd Julien Queuille, désirait...
Parousie.
Le Christ glorieux révélera la disposition secrète des cœurs et rendra à chaque homme selon ses œuvres et selon son accueil ou son refus de la Grâce.
dimanche 6 février 2011
Foules. Assiégés.
Gouvernement que la rue pousse à la démission.
Fantastique. Atmosphère. Régulièrement, paragraphe sur ce qui se passe.
cf. Balcon.
La foule devait passer, des pierres se détachaient du plafond.
Était-ce des révolutionnaires ou des ombres de révolutionnaires.
Fantastique. Atmosphère. Régulièrement, paragraphe sur ce qui se passe.
cf. Balcon.
La foule devait passer, des pierres se détachaient du plafond.
Était-ce des révolutionnaires ou des ombres de révolutionnaires.
268. Assiégés.
On a peu parlé de l'atmosphère qui régnait alors au palais. Le gouvernement paraissait ne rien comprendre à ce qui se passait dans le pays. C'était le cas. Il savait le nombre précis de manifestants, qu'il divisait par trois lorsqu'il l'évoquait. Il connaissait les taux qui, d'ordinaire, règlent la vie des Français et permettent de dire, par la croissance et le chômage, par l'endettement, mais ces taux expliquaient peu de choses. Ils étaient mécontent et les panneaux et les banderoles que l'on voyait expliquaient peu de choses. Leur départ était envisagé si ce n'est désiré. Voilà tout ce qu'ils comprenaient et la seule chose qu'ils ne pouvaient admettre. Ils soupçonnaient qu'une hausse massive des salaires et qu'un vaste plan de recrutement calmeraient les esprits, mais ils ne pouvaient pas le faire.
Ils habitaient une forteresse assiégée. Ils étaient scrutés et impuissants. Des rumeurs passaient : c'étaient la colère des professeurs, des infirmières, des chercheurs. Elles inquiétaient mais duraient peu. La rapidité avec laquelle elles surgissaient puis disparaissaient faisaient oublier leur violence, bien que chacun sût que c'est par elle qu'ils tomberaient. Les digues cédaient encore. Les places fortes n'existaient plus. Ils s'enfonçaient toujours plus loin dans les salons et les chambres dorés. Les émeutes entraient plus avant dans un palais que rien ne défendait sinon la complexité de ses couloirs, des antichambres qui ne donnaient que sur des antichambres. Une question se poserait : non pas comment faire retomber la rébellion, qui ne pourrait que triompher, mais comment lui laisser un champ de décombres pour récompense ? Comment reprendre ensuite le pays, puisque l'honneur ni les trésors n'ont été perdus ? Les rumeurs passaient. On ne savait toujours pas s'ils étaient à l'angle du corridor, au-dessus, s'ils allaient surgir au balcon ou si l'imagination inventait tout. Les télévisions ne disaient rien. Ils croulaient. Ils organisaient ce qu'ils pouvaient. Les assauts se répétaient. Angoissé, douloureux de ne rien comprendre, ils attendaient.
Franco. Del C.
Les dossiers se classaient toujours en deux tas. Ceux qu'il fallait résoudre et ceux que le temps seul résoudrait.
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Les télévisions et les ministres scrutaient encore une maison de campagne. C'était moins qu'un manoir, mais c'est là qu'il attendait l'agonie. On discutait encore de son absence et de sa présence, de son trépas de roi. Du corps pourrissant et du corps mystique. De son corps déjà embaumé d'autant plus glorieux et pourrissant que seule une garde-malade l'approchait. Il agaçait sans cesser d'être sacré. Il n'était plus rien et tout le monde pensait à lui. Était-il satisfait ? Il régnait et ne gouvernait pas.
267. Médiocre.
Voici le médiocre qui nous manquait, et qui manquait aussi au pays. Sans bêtise, sans lâcheté, il ne se haussait jamais. Sa médiocrité n'excluait ni le calcul, ni la puissance des moyens mis au service de la victoire, ni la victoire. Quelques dizaines de voix lui permettaient d'être élu, trois ou quatre voix lui donnaient des majorités. Sa médiocrité minutieuse l'emportait toujours devant des concurrents qui semblaient toujours dilettantes, toujours aventuriers et trop peu soucieux des banalités qui nous poussent à nous décider. Il n'emportait jamais rien. Il préservait les équilibres, c'était sa principale qualité. Il en présentait d'autres d'ailleurs, patience, bienveillance, fermeté, goût des choses préparées et sûres. Quant à ses habitudes, ses préférences, de sa femme aux steaks qu'il commandait, aux films qu'il déclarait aimer, aux photos sur ses bureaux, son conformisme stupéfiait. Il aimait les choses et les vérités définitives et ne changerait pas les deux ou trois idées qui définiraient toute sa politique et toute sa vie : haine de la gauche radicale, préférence marquée pour le libéralisme, refus d'une alliance autre qu'européenne, voilà. Ennui, inertie, routine presque absolue, c'était sa vie. On s'était moqué de lui. Sa médiocrité était connue, mais ce n'était presque jamais par là qu'il était attaqué. Il n'était pas inconséquent. Il suivait sans aucune inflexion la politique qu'il avait une fois décidée. Il ne souffrait aucunement. Les douleurs venaient d'une percée de ses ennemis, de la place qu'il jugeait excessive de l'État. Il savait par ailleurs faire venir les foules. Mais d'être en tout moyen et comme borné, il ne s'y était pas habitué, il ne comprenait pas qu'on usât différemment. C'était des mœurs qu'il désapprouvait, qui était simplement nuisibles. Ses réussites montraient la puissance des trois principes qui faisaient sa vie. Il disait un lieu commun et les choses advenaient. Il serait oublié mais n'aurait jamais été détesté. Il n'est pas dit que le pays n'ait pas profité de ces cinq années. Rien d'imprévisible ne survint. Les scandales et les crises s'espacèrent. Sa seule longévité fut un bien. Le pays n'aurait rien gagné à ce que ces cinq années se prolongent, mais ce train lent, paisible et borné fut utile.
266. Enfance.
On s'étonne qu'une enfance et qu'une adolescence aient précédé tout cela. Nous aimons les signes, dès qu'ils marchent, que de blanches fleurs poussent sur leur passage, que le vol des oies s'infléchisse, les orages deviennent plus violents, se calment. Nous aimons les enfances monstrueuses, la cruauté qui très tôt apparaît. Ce n'est pas une enfance et une adolescence que nous attendons, mais leur vie de héros, de tyran réduite, résumée, qui n'attend que de se développer, qui n'offrira rien que ce qu'elle n'offre déjà. Nous sommes, bien sûr, toujours déçus, de la platitude de ces enfances pareilles à mille, à l'absence de crise. Nous voyons des pères absents et sévères, des mères distantes ou aimants. Et ensuite ?
Présence.
J'étais debout, je fumais, je tripotais un portable, je faisais quatre pas. J'étais mal à l'aise. Je tentais de donner une nouvelle forme à ma présence.
samedi 5 février 2011
Parents.
On évoquerait en vain ses parents, son père aimant, sa mère aimante, doux, exigeants, parfois distraits, parfois pressants, attentifs et pénibles, sur lesquels il put toujours compter, avec lesquels il passait des moments agréables, s'ils n'étaient pas trop fréquents. Elle était médecin, il était professeur.
Enchaînement à absolument faire.
à peine changement de paragraphe. Passage récit singulatif à récit itératif.
On se rend compte que le temps a passé. Mais juste ligne sautée.
On se rend compte que le temps a passé. Mais juste ligne sautée.
Julien m'a depuis longtemps...
Mimoso/Rama Yade.
Il avait une chose simplement troublante : une beauté aussi grande que son absence de talent. On le regardait, on le scrutait pour ne voir encore que sa beauté, qui n'ajoutait rien à son talent, à laquelle ses dons inexistants n'ôtaient rien. On espérait parfois. On se doutait parfois qu'on n'espérait rien, qu'on ne faisait qu'apprécier, toujours, sa grande beauté.
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