dimanche 6 février 2011

268. Assiégés.

On a peu parlé de l'atmosphère qui régnait alors au palais. Le gouvernement paraissait ne rien comprendre à ce qui se passait dans le pays. C'était le cas. Il savait le nombre précis de manifestants, qu'il divisait par trois lorsqu'il l'évoquait. Il connaissait les taux qui, d'ordinaire, règlent la vie des Français et permettent de dire, par la croissance et le chômage, par l'endettement, mais ces taux expliquaient peu de choses. Ils étaient mécontent et les panneaux et les banderoles que l'on voyait expliquaient peu de choses. Leur départ était envisagé si ce n'est désiré. Voilà tout ce qu'ils comprenaient et la seule chose qu'ils ne pouvaient admettre. Ils soupçonnaient qu'une hausse massive des salaires et qu'un vaste plan de recrutement calmeraient les esprits, mais ils ne pouvaient pas le faire.

Ils habitaient une forteresse assiégée. Ils étaient scrutés et impuissants. Des rumeurs passaient : c'étaient la colère des professeurs, des infirmières, des chercheurs. Elles inquiétaient mais duraient peu. La rapidité avec laquelle elles surgissaient puis disparaissaient faisaient oublier leur violence, bien que chacun sût que c'est par elle qu'ils tomberaient. Les digues cédaient encore. Les places fortes n'existaient plus. Ils s'enfonçaient toujours plus loin dans les salons et les chambres dorés. Les émeutes entraient plus avant dans un palais que rien ne défendait sinon la complexité de ses couloirs, des antichambres qui ne donnaient que sur des antichambres. Une question se poserait : non pas comment faire retomber la rébellion, qui ne pourrait que triompher, mais comment lui laisser un champ de décombres pour récompense ? Comment reprendre ensuite le pays, puisque l'honneur ni les trésors n'ont été perdus ? Les rumeurs passaient. On ne savait toujours pas s'ils étaient à l'angle du corridor, au-dessus, s'ils allaient surgir au balcon ou si l'imagination inventait tout. Les télévisions ne disaient rien. Ils croulaient. Ils organisaient ce qu'ils pouvaient. Les assauts se répétaient. Angoissé, douloureux de ne rien comprendre, ils attendaient.

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