J'ai connu le luxe des ministères. Lorsque je considère ma vie, ce qui suivit et précéda ma carrière de ministre, ce luxe était évident, sans doute excessif. Je n'avais à penser à rien. Je n'en garde presque aucun souvenir. Je pense avec plaisir à mon bureau, fort grand, brun et précieux. Quelques généraux d'Empire l'utilisèrent je crois. J'aimais qu'il ne soit pas doré mais que les veines et les baguettes soient noires. Je pense aux fenêtres et au parc sur lequel elles s'ouvraient. Je pense pareillement à des antichambres dorées, aux tableaux trop sombres ou trop rouges, aux laquais, aux damiers dans les hall, au pavage de marbre. Nous étions émerveillé. Un mois plus tard, nous étions indifférents. Le vernis, les laques, les costumes les chauffeurs ne nous inspiraient rien. Nous savions que les tapis salissent, que dès que nous sortons des hall, des couloirs tristes et lugubres parcouraient les bâtiments. Les berlines étaient noires. Je ne crois pas me souvenir d'elles. Elles roulaient, elles devaient être tendues de cuir. J'aimais la neutralité toute bienveillante de ma maison. Je l'ai oubliée dès que je partis. J'aimais bien une bergère, dans un salon. Elle s'ennuyait. Elle n'était pas gracieuse, et le peintre l'avait voulu. Elle savait qu'elle n'avait ni dons ni beauté pour lui servir. J'aimais sans doute l'espace.
On décidait à ma place. C'est ce qui me manque le plus, je crois, de n'être pas même compétent pour le choix d'un restaurant, pour le changement d'une fenêtre, d'une cartouche d'encre. Que d'autres pensent pour moi, dorment parfois, écrivent était un soulagement qui ne me rendait que plus terrible l'urgence de chaque instant : décider.
Ce que je quittai n'avait aucune importance.
Ce que je quittai n'avait aucune importance.
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