L'angoisse n'était plus rien pour lui. Elle ne différenciait pas des autres douleurs. Ses manifestations physiques, les mouvements de gorge, son dos plein de sueur, les poignets chauds, le front chaud, les veines qu'il sentait à présent, étaient celles de la fièvre. Quant aux causes de la chaleur et de la gorge qui brusquement épaissit, de la poitrine bloquée, inutile d'y voir autre chose que la fièvre, et pour la fièvre, il n'y avait qu'à accepter et attendre.
Il s'étendait sur son lit, le temps que les bras qui brûlaient, les jambes qui n'étaient plus redeviennent ses bras et ses jambes, que sa bouche rouvre enfin, qu'aucun battement ne soit plus perceptible. Hébétude suivie, mouvements rapides et confus, il fallait pareillement attendre. Il n'est pas sûr qu'en cherchant ce qui les suscitait, et qui, bien plus que la délivrance, expliquait les nuits à scruter le plafond ou la poussière sur sa table de chevet, expliquait la délivrance même, et qui la précédait, on trouve de quoi se satisfaire. Le bonheur de ses premières années, l'absence de vocation aux faits divers, l'amour, les amitiés dissimulent peut-être quelque sombre privilège, une terreur oubliée, d'autres erreurs encore, les portes qui se claquent, les jardins verts et roses et inquiétants. Qu'importe ?Penser à ce qu'il avait dit et fait était son sujet perpétuel, de même que s'accabler ou s'excuser et transformer chaque instant en prétoire. Quant à dire et s'avouer ce qu'il était, révéler des traits si communs, paresse, orgueil sans raison, banalité de la conversation qu'un jeu et des tours qu'il croyait inédits devaient faire oublier, absence d'intérêt et de choses à dire, égoïsme, médiocrité en un mot, mais aussi rage, impuissance, jalousie, esprit de revanche, lâcheté la plupart du temps, il ne le pouvait pas. S'examiner était brûlant et douloureux. Ses accès douloureux passaient. Les migraines ni les angoisses ne duraient.
Et lorsqu'il était interrogé, il consentait à se rendre commun : Voyons, vous savez que le bonheur n'existe pas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire