lundi 8 mars 2010

64. Qui êtes-vous JQ ?

Il y eut l'époque des professionnels de la politique.
Grandes écoles, nombreuses et fidèles et solides amitiés, langue puissante (et creuse) que l'on attendait et qui ne décevait jamais. Il y avait des variétés, et chaque amateur de spécialités pouvait en avoir pour son argent : avec moi, vous aurez tout et son envers soyons grands ensemble les je viens du peuple, les militants depuis vingt ans, les sincères et les experts, qui se cumulaient rarement. Les j'y crois, les asseyez-vous, les retroussez-vous les manches. Progressant par mélange, par bouture, par catalyse : cynisme était le solvant. Cornue patriote s'emplissait de tout. Sincère se mêlait sans fin. Et les volutes de verre, et républicain, démocrate, touchaient les rebords. De gauche était une poudre dont l'abus n'était pas proscrit. De droite, plus volatil. Emplois dangereux et subtils de nation, patrie. « Le tout c'est de ne pas faire de mélange » était une belle vérité qu'on entendit souvent.

Il y eut ceux qui n'était pas fait pour ça (on la leur faisait pas). Le bon sens (gros sel) triomphait de tout. Ils étaient beaux gosses ou mère de famille. Ils triomphèrent. Ils vieillissaient et parlaient vert. On s'étonnait et on les croyait encore (un ennemi était toujours disponible pour expliquer tel ou tel échec). Ils échouaient et devenaient vulgaires. On s'en lassa. Ils déçurent plus encore que leurs aînés.

Julien arrive en ce point qui n'est pas un retour au point de départ, pas le lieu d'une quelconque dialectique, pas la fin d'un cycle. Il n'était pas discret, pas moins ambitieux ni compétent. Seulement, il présentait bien. Mettre une cravate, aimer le travail bien fait, être sincère lui était naturel. Il présentait bien. Sa beauté rassurait. Rien n'écrasait, ni ne dépassait. Il était honnête et ne le disait pas. Ses maladresses l'empêchaient d'être lisse, et ses colères, des avis parfois surprenants, un point d'équilibre que l'on peinait à trouver, qui existait pourtant (il ne le savait pas) où buttaient désirs, bonne volonté, honnêteté, impatience, laisser-aller, affabilité, si bien qu'aux yeux de n'importe qui, quand il devint président, n'étaient ni le militant, ni le diplomate (parfois) brillant, ni le parfais ignorant qu'il était parfois, l'homme dont le souci de justice l'emportait sur tout, mais le fils de bonne famille qui coïncidait avec le bon gars.

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