lundi 1 novembre 2010

207. Deux héros.

Les premiers décident et ne tremblent pas. Par une somme de chances et de réussites, leur volonté, qu'ils ont fixée, est inentamée. Que le doute existe, ils en conviennent, qu'ils puisse s'appliquer à leur action et à leur volonté, ils le savent pareillement. Seulement, ce n'est pas le cas. Tout prend la couleur de l'évidence, et qu'elle ne colore pas chaque instant et chaque mouvement qui précède la décision ne serait pas compris. Elle n'est pas envisagée et n'est pas plus vécue. Elle ne serait pas admise. L'orgueil pathologique a cela de pratique qu'il prend et modèle ce qui le menace. Ils ne trembleront pas. Ce qui relève de l'intelligence, de l'instinct, de la morale même, l'action politique, qui est maintenant une action guerrière, est fondu et trempé en une même volonté. Rien ne tremble lorsque la décision est prise. D'autres décident et tremblent. Ce n'est pas qu'ils hésitent. Ils savent quelle est la situation et quelle action doit être entreprise. Ils sont peut-être plus conscients que les premiers. Ils tremblent puisqu'il savent ce que leur décision comporte de risque, de sottise, quand bien même elle serait inévitable. Ils savent pareillement de quoi seront suivis l'assaut, le décret, et tremblent des conséquences. Leurs succès seront moindre, ils ne sont pas faits comme les héros. Pourtant, le combat doit être mené, ils le mèneront. Ils feront les mêmes gestes, se regarderont les faire, sauront qu'ils ont raison, en dépit des conséquences. Il y a plus d'héroïsme dans la peur qui ne se décheville pas, les soupçons, les remords, les scrupules inutiles, toutes les raisons d'empêcher l'action, l'accablement, qui ne l'empêchent pas d'être menée au moment opportun, d'être menée avec énergie, même si la honte se mêle à l'énergie, et les remords et les scrupules, quand d'autres, plus beaux, ne trembleraient pas. Le général, le chef de file inflexible savent tout juste que le risque est grand et qu'ils font l'histoire, du moins leur histoire. Les autres, plus minces, le savent et savent bien plus, leur faiblesse d'abord. Des vibrations parcourent les doigts, les mains qu'aucun cal n'a durci, la garde et le porte-document. Les manches se lestent de sueur et le front a tiédi. Leur voix, féminine et sans grâce, criera « Maintenant ».

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