jeudi 4 novembre 2010

212. Cyniques.

Les cyniques existent, mais le froid ni les serpents ne les concernent. Ils calculent sans doute, réduisent le monde à un calcul et, sans doute, le regrettent, voudraient qu'il soit autre, l'admettent et décident d'en tirer profit. Parfois, il ne se console pas du désordre du monde, avoue qu'il est impuissant. Le cynique, à de rares moments, dit l'être. Il dispose de quelques anecdotes et de quelques phrases vulgaires, par lesquelles il sépare les dessillés des naïfs, les inévitables perdants des maîtres. Il dit que rien ne lui importe sinon sa personne. Il s'écoute et ne sait pas si la honte ou la joie le grise. Il hésite encore entre tonner et sourire. Il ne parvient pas à se convaincre, dans ce qu'il a de tendre et ce qu'il a de simplement bête, et parfois d'ignoble. Souvent, il se trouve bon. Il ne parvient pas à quitter la sphère où la bonté et l'honnêteté, ou le simple bien ne se négocient pas, où ils peuvent cependant être atteints par d'autres moyens, plus discutables. Ils n'ont pas été envisagés de prime abord et, à tout le moins, surprennent. Mais l'orgueil et le besoin de se rassurer, de tenir un discours auquel on croit enfin l'emportent. Celui qui renverse l'État, devient l'État, brûle et tue ne le fait que pour le peuple et le pays. Qui juge et tue ne fait qu'exercer, sous une forme moins conventionnelle, plus efficace aussi, la justice. Le voleur se venge et devient pareillement une forme de justice. Les serpents sont peu nombreux, les monstres froids, les habitants de l'ombre et du calcul ne sont pas si rares à s'admirer bons et généreux, à mentir et à se mentir. Ils appartiennent au mal et ne le désirent pas. Ils le condamnent tous. Ils cherchent à s'en extraire, ils expliquent qu'un bien vient toujours d'un mal. Ils apportent le malheur au monde et se désolent que le malheur existe. Ils tentent d'y remédier, en l'accroissant. Il faut encore explorer le cynique qui se contredit, qui ne se repend ni ne se convainc jamais. Qui doit souffrir, sans doute, et qui ne parvient pas à faire cesser la douleur, à se ranger parmi l'honnête et le bon, qu'il frôle et désire, et n'atteint pas, ni même à accroître cette douleur, la porter à son point d'incandescence, froid, et dire enfin tout est calcul. Sur un lit d'hôpital, il dira encore j'ai voulu, j'ai tant cherché et, sans doute, y croira.

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