Pour d'évidentes raisons le réel (entendons par là ce qui est ou a été) ne correspond pas à nos désirs ou nos volontés (délirantes). Les écarts entre ce qui est advenu et ce qui fut annoncé et promis révèlent tout simplement un échec (ou un mensonge). Ces embardées-là du réel ne peuvent être tolérées.
C'est la conviction que le réel n'est qu'un matériau parmi d'autres qui unit les tyrans totalitaires du vingtième siècle. Staline, certain sous-lieutenant athée devenu Dieu, un lettré de province présidant désormais, etc. pensent (à juste titre) qu'avec béton, cocaïne et grands barrages, la vérité construit aussi de grands empires. La vérité a ceci de désagréable qu'une fois travaillée, elle cesse d'être une vérité. Leur principal mérite fut de supprimer cet inconvénient. Un chiffre n'est qu'un chiffre, un zéro l'est si peu. Un mort qui n'est sur aucune photo, dont les témoignages ont disparu, dont les œuvres enveloppent des poissons, n'est plus un mort : il n'a jamais existé, est une vue de l'esprit, et le bien de l'État nécessite la mise à l'écart des rêveurs. On a dit ce qu'il y avait à dire sur les bibliothèques de rapports pré-rédigés, sur mille ou cent mille personnes soudain n'étant plus.
Les dictateurs ne sont pas seuls à partager cette conviction.
Au vingt-et-unième siècle, en France, nous assassinons peu. Les grandes messes, les plans quinquennaux sont discrets (à peine se juche-t-on haut sur les photos officielles). Une nouvelle centrale nucléaire doit être construite ; un vide nébuleux ne remplace pas la Basse-Normandie. Pourtant, la distance entre ce qui est et ce qui aurait dû être ne reste pas moins irritante.
C'est la conviction que le réel n'est qu'un matériau parmi d'autres qui unit les tyrans totalitaires du vingtième siècle. Staline, certain sous-lieutenant athée devenu Dieu, un lettré de province présidant désormais, etc. pensent (à juste titre) qu'avec béton, cocaïne et grands barrages, la vérité construit aussi de grands empires. La vérité a ceci de désagréable qu'une fois travaillée, elle cesse d'être une vérité. Leur principal mérite fut de supprimer cet inconvénient. Un chiffre n'est qu'un chiffre, un zéro l'est si peu. Un mort qui n'est sur aucune photo, dont les témoignages ont disparu, dont les œuvres enveloppent des poissons, n'est plus un mort : il n'a jamais existé, est une vue de l'esprit, et le bien de l'État nécessite la mise à l'écart des rêveurs. On a dit ce qu'il y avait à dire sur les bibliothèques de rapports pré-rédigés, sur mille ou cent mille personnes soudain n'étant plus.
Les dictateurs ne sont pas seuls à partager cette conviction.
Au vingt-et-unième siècle, en France, nous assassinons peu. Les grandes messes, les plans quinquennaux sont discrets (à peine se juche-t-on haut sur les photos officielles). Une nouvelle centrale nucléaire doit être construite ; un vide nébuleux ne remplace pas la Basse-Normandie. Pourtant, la distance entre ce qui est et ce qui aurait dû être ne reste pas moins irritante.
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