vendredi 19 février 2010

52. Candeur.

Un trait de son caractère avait plu, je pense, mais avant de plaire, il avait surpris. Ses interventions n'étaient pas meilleures que d'autres, maniaient, comme d'autres une langue creuse, un français correct (en cela peut-être différait-il), des thèmes, des propositions attendus. C'était souvent de longs débats, mais le ronron ne berçait pas.

Sa candeur surprenait mais ne tournait pas en sottise. Il nous épargna les je suis ici pour défendre des idées, je ne suis pas intéressé par la politique politicienne, nous épargna les railleries, qui sont l'envers de la sottise et une autre forme de sottise, le trait mesquin, brillant, dit avec le sourire, un air las ou ahuri, blessant moins la victime que l'assassin. Il n'était pas plus pur que d'autres, mais il était plus ignorant. Ces pratiques le scandalisaient moins qu'elles ne le décontenançaient, sa moralité n'était pas choquée, mais ce qu'il pensait être la politesse. Il ne disait rien, et ne reprochait rien à l'ami qui se montrait bas. La bourgeoisie de mille neuf-cents, ce qui avait subsisté d'elle dans une éducation moyenne, l'ombre de noblesse devenue ce qu'il faut et ne faut pas faire, l'Humanisme, les Lumières, la civilisation réduits à rien, demeuraient en lui. Il ne comprenait pas qu'on agît ainsi. Plus tard, il le subit et fut blessé.

Les cinq années qui suivirent son élection à l'Assemblée furent une campagne permanente. Il fut à peine dessillé et ne comprenait pas où cela menait. Il ne souffrait plus chaque fois qu'une phrase de tel ministre, tel minuscule porte-parole devenait publique. Une grande fatigue montait en lui, vidait son cœur : tout se brisait sur A quoi bon ? qu'il ne murmurait pas.

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