mardi 16 février 2010

45. Oublie et publie (pour nourrir le début 1.)

Préface à ces souvenirs.

Je fus pendant vingt ans l'ami de Julien Queuille, qui fut président du conseil.

J'aimerais écrire :
j'ai œuvré pour l'histoire. Pourtant, quand il devint mon ami, il était un nom dans un dictionnaire. Son prédécesseur, son successeur furent sans doute illustres. Il était oublié, restaient des photos, un livre d'entretiens, des coins d'affiches...

Julien fut un homme d'État, et je rends compte de la vie d'un homme secret. Je voudrais croire que ce que je laisse là suscitera l'intérêt de quelques uns. Sans sincérité, j'écris l'orgueilleuse raison qui justifiait ce travail : la personnalité et les qualités privées d'un homme expliquent en grande partie ses actions publiques. Il fut honnête et sans doute pur. Il me semblait que l'oubli et, quand ce n'était pas l'oubli, le dédain qui le frappait était une injustice. Mais il n'y a pas de justice pour celui qui s'est retiré, dont personne n'a retenu le nom. Ce n'est pas là une nourriture d'historien.

Je donnerais d'autres raisons, moins convaincantes encore : lutter contre l'oubli, moraliser la vie publique, faire œuvre littéraire, montrer un cœur plein de remords...

Lorsque je l'ai rencontré, je cherchais un prétexte pour la gloire. Pourrais-je dire que j'y ai renoncé ? que je ne défends que son nom ?

Qui croira que seule une nécessité intérieure me pousse à livrer cela ?

J'aimerais croire que ces heures et cette vie passées à ses côtés n'étaient pas vaines.

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