jeudi 13 janvier 2011

234. J-M.

Depuis qu'il n'existait plus, que son souvenir existait encore, que la peur et la ferveur qu'il avait suscitées commençait à faiblir, il était heureux. Il avait beaucoup parlé et beaucoup scandalisé. Il parlait encore, permettait encore de se scandaliser et de hurler parfois. Il parlait de ce qui menaçait le pays, qui déjà l'envahissait et fondrait encore sur lui pendant dix ans, vingt ans, jusqu'à ce que le pays disparaisse ou soit englouti. Il citait Malraux et Lénine. Il évoquait Nietzsche, ou sainte Thérèse. Il parlait des étoiles qu'il contemplait et qui étaient propices, disait-il, à la méditation. Sur son voilier il était prophète. La conversation reprenait. Son humeur était grave, puis joviale. Il était déjà plein de légèreté. C'était sa bonne humeur qu'on ne lui pardonnait pas, plus que sa suffisance, les angoisses qu'il provoquait, l'horreur qu'il était, plus encore sa bouche, ses grosses lèvres, l'étroitesse de jambes qui ne portent rien, la certitude qu'infâme et inutile, il ne regretterait rien et aurait aimé sa vie, plus ceux qui le suivaient et l'accablaient qui eux, n'effrayaient ni ne réjouissaient personne, qui ne savaient pas même s'égayer eux-mêmes, eux qui ne parlaient pas des étoiles ni de Mao. Ce qu'il disait n'avait aucune importance. Le numéro ne variait plus maintenant, était continument présenté à qui lui tendait le micro. Les réponses étaient prêtes, comme les questions qu'on ne lui poserait pas, auxquelles il répondrait toutefois. Il saurait comment parer et frapper. Il charmerait par ailleurs, ce que personne n'avouait, que la douceur et le rut appartenaient, eux aussi, à la terreur.

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