vendredi 14 janvier 2011

237. Trônes.

Il a croisé ses jambes et s'est enfoncé dans le fauteuil. En entrant dans le salon il a pris un objet qu'il tient à présent dans sa main. Ce n'est pas une pièce d'un jeu d'échec, qu'il scruterait, qu'il prendrait entre deux doigts, dont il suivrait les contours du doigt. Il ne se pique pas à la pointe du fou. Ce n'est pas un globe où son regard négligent se poserait.

Il attend d'être reçu. Le président ne fait pas antichambre. Il médite. Il s'est absenté, il s'ennuie, mais ce qui entre dans ses réflexions ce n'est pas la pluie qui tombe depuis quelques jours, un pantalon dont les plis manquent de grâce, les mots qu'il dira, ceux qu'il évitera, le sourire des secrétaires, et la qualité des laques qui, semble-t-il, diffusent plus qu'elles ne reflètent la lumière. On l'observe, ce dont il se doute. Il n'oublie pas d'être grave, ni même de parler bas et, ce qui est, pensons-nous, gronder, et qui n'est que ronchonner. Ses traits se froncent. Le roi aime que chacun se demande s'il est à l'origine de sa contrariété.

Il s'installe plus profondément dans le fauteuil. Il s'oublie. Ce qu'on ne tolèrerait qu'à peine d'un adolescent fait qu'un roi est un roi. Tout lui est un trône. Il est beau encore, digne, lorsqu'il boude ou qu'il s'ennuie. Depuis dix minutes qu'il s'est assis, la lumière a baissé. Ses yeux, son nez font une ombre. Elle augmente et s'étend à tout le visage. Ses mains reposent maintenant sur les accoudoirs. Les conseillers penchent parfois leur regard vers lui, et pensent, comme lui sans doute, à la mort qui le prendra bientôt, aux doigts, déjà maigres et torts, à son visage de mort, aux yeux qui brillent toujours, à la voix qui ne tremble pas, à sa puissance qui n'a jamais été moins flexible, à son autorité inentamée, aux murmures qui augmentent, lorsqu'il passe et que ses joues semblent plus creuses, qu'aucune jambe ne vient gonfler le pantalon. Il règne pareillement. L'or et le cuir, les trônes, le palais de brique, celui de marbre font moins que la certitude qu'a chacun que sa volonté passe avant tout.

Plus tard, le roi serait sur une chaise pliante, assez assuré de sa grandeur.

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