dimanche 23 janvier 2011

254. Voici la lourde houle...

Les forces du monde et de la terre s'étaient concentrées et l'irriguaient. Elles étaient ses pieds plaqués, ses jambes droites, puissantes, la voix qui montait et prenait qui l'écoutait, cinq mille auditeurs pareillement plaqués, ne sachant rien, étant une immense approbation, jouissant et scrutant, disant oui, encore applaudissant et ne faisant que communier autour d'un nom, moins qu'un projet, moins qu'une personne. C'était l'Histoire, bien sûr, qu'il avait vue, ce qui s'écrivait, les immenses assentiments. La joie des foules vidait ou remplissait, emportait. Elle les laissait vides et heureux, enfin disponibles. Les hommes qui priaient ne n'avaient pas attendu inutilement. La terre parlait, comme le ciel et les fauteuils. Julien admirait l'homme qui parlait. Il ne comprenait pas mais assistait tout de même à l'assentiment. Il ne comprenait pas qu'on autre fût élu. C'était une nécessité, mais douloureuse, l'assentiment qu'on lui avait arraché. Il ne pouvait en être autrement, les choses allaient ainsi. Il supportait avec peine la violence et la chaleur, et la suavité du lieu et de sa présence, de son élection dont rien ne pouvait faire douter, de sa coïncidence avec le bon et l'inéluctable. Les mots roulaient et quels que fussent les mots, ils auraient été applaudis, aimés. C'est ce qu'il n'avait pas voulu. Arracher un oui par le rut. Il était calme et savait prendre autrement. Il arrachait d'autres acquiescements mais pas dans la suavité et l'ardeur de ces salles chauffées, de ces phrases menées sans début, qui ne finissaient pas, levaient les bras et les cœurs. Il avait aimé mais il serait différent. Il ne lèverait pas les foules. Il pourrait les soumettre mais ne les prendrait pas ainsi. Il n'attendait pas les mers rouges et roses de drapeaux, les hymnes, la joie trop forte et trop sourde, les noms hurlés.

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