jeudi 20 janvier 2011

248. Fin Mitterrand.

Il rongeait ce qui dévore et retenait ce qui a prise sur tout. Ce que chacun de ses actes disait, depuis que malade, d'autres décidaient, depuis qu'on le contestait et que les puissances qu'il devait, seul, remuer, d'autres en disposaient, depuis qu'il signait des décrets que d'autres prenaient, qu'il refusait de signer, que la machine fonctionnait cependant, moins efficacement, c'est qu'il désirait gagner du temps. Il lui était deux fois cruel. Par la maladie qui approchait et rendait tout moins incertain, tendait tout de noir. Tout fléchissait. Par le pouvoir qu'on lui retirerait bientôt, qu'on lui retirait déjà. Il bloquait et ronchonnait. Faisait guère moins que ce qu'il devait faire. Ses faiblesses étaient-elles moins douloureuses ? Il croyait user ses ennemis. Il refuser de signer. Il ne convoquait pas les conseils. Cet homme ne serait pas ministre. Il usait pareillement ses amis que sa disparition, du moins politique, excitait. Il leur refuserait le temps et la puissance. Il était Dieu pour quelques semaines. Il agirait et trancherait ce qui, au palais, entouré d'ombres et de morts, de serviteurs, d'amis plus que d'alliés, signifiait refuser de choisir, empêcher ses ennemis, et toutes les puissances qui n'étant pas siennes, étaient ennemies, d'agir. Il ne tonnait plus. C'était la force qui lui manquait, mais aussi la certitude que son calme, lui dont l'agonie était celle du pays, depuis dix ans, sa courtoisie, son autorité minérale faisaient enrager. Il recueillait les heures. Ce qui était sa puissance, moins le temps dont il ne disposerait plus, c'était son talent premier, ce qui avait toujours été sien, qui lui restait plus que sa verve, son charisme, ses ruses : la nuisance. Il exerçait pour avoir un pouvoir à exercer. Les amis et les ombres souffraient. Il s'effondrait parfois, et savait encore être courtois, discret, intrigant, littéraire, aimé, je crois. C'était cependant une concession qu'il faisait. Il n'exercerait plus sa pitié. Il lutterait encore, pour un pouvoir qu'il jalousait, et dont ses ennemis les plus terribles ne disposaient pas.

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