dimanche 30 janvier 2011

259. Soubie.

Ce qui surprenait, c'était son insignifiance, les propos non pas convenus, mais quoique fins et intelligents, attendus, sans doute mieux exprimés qu'ailleurs, mais entendus ailleurs. Il souriait et rien ne devait empêcher la marche du monde, qu'il avait prévue, sinon décidée. Il était puissant. Il conseillait les princes, mais rien de ce qu'il disait ne les surprenait. Ils avaient déjà pris les décisions qu'il conseillait. Il pouvait être malicieux ou sinistre, terrible lorsque la perte d'un homme était décidée, mais enfin, il restait un notable, ce que l'idée de notable implique, la rondeur, une forme d'égoïsme par omission, l'ignorance de la souffrance d'autrui, l'absence de pitié pour soi comme pour le monde, toujours, les calculs et les yeux brillants, la réflexion tournée vers l'affaire à ne pas manquer. Souriant, affable, d'une sympathie propice aux affaires, mais vite décontenancé, réagissant plus vite encore, et châtiant. Sa fermeté ne se discutait pas, et tout dépendait d'elle. Tout se discutait sinon quelques principes et son confort bourgeois. Il s'était délesté de ce qui pouvait faire de lui une caricature : il ne s'occupait pas des mœurs, les siennes étaient libres et réglées. Il n'aurait poussé personne aux désespoir, et toute question avait sa dimension sociale. Les airs inquiets ne restaient pas sur son visage.

Un ordre supérieur, qui existait sans doute depuis la Hanse, les blés et les draps, arrangeait tout. Il conseillait les princes depuis bientôt mille ans, et c'est pour cette raison que personne ne le remarquait et qu'évoquer même son nom était, plus que dérangeant ou intrigant, inutile. Il serait là dans mille ans, et il n'est pas sûr que les hommes n'aient pas à le remercier. La violence exercée lui répugnait. S'il ne disait rien d'extraordinaire, c'est que rien de ce qui est ordinaire n'apporte la guerre et la faim. Il n'était pas bon toutefois, il était tout ce qui empêche le dérangement, et les révolutions sont des dérangements. Il était la puissance et la stabilité.

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