Il avait été une semaine, puis trente ans, humilié et douloureux. Il s'était retiré. Il n'existait plus. Sa vie ne s'était pas limitée à son appartement des quais de Saône, à son passé tristement contemplé, ou avec orgueil, à des voyages luxueux, Chine, Irlande, à la rédaction de notes et de mémoires, fort minces, aussitôt rangés et perdus. Je vois des salons tendus de noirs, l'ombre qui porte sur des bibliothèques, toujours plus présente, qui ne menace pas, mais étouffe, rend le monde triste et vieux, de vieux costumes, de vieilles manières. Je me souviens de la sollicitude de quelques amis, de femmes de ménage et de femmes de chambre dévouées. Il fut heureux, sans doute, ces trente ans. Il eut un métier et une vie. Il fut même gestionnaire. On y apprécia, sans doute, son honnêteté, ses scrupules, et on n'eut pas à oublier ce qu'on n'avait jamais su. Il ne lui était pas possible d'être heureux, mais à des heures, ce qui le liait à la douleur et à l'humiliation cessait d'être, une femme, une promenade, une soirée passée avec les amis qu'il dut connaître, les promesses de joie, peut-être.
Ses amis venaient peut-être de partir. Peut-être avait-il participé, la veille, à des fêtes terribles. Mais c'était un vieillard seul que je trouvais. C'était la reconnaissance et un sentiment de délivrance. C'était des yeux qui ne disaient rien, qu'on désirait charger de sens, les contempler pour trouver une souffrance dont l'exemple, le nom même manquent. Nous aimons nous savoir indispensables. Je suis sauveur et rédempteur, me disais-je.
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