dimanche 19 septembre 2010

133. Portrait Marin.

Il avait été beau, mais peu s'en souviennent. Regard intelligent, traits fins, pommettes visibles, sans la détermination toutefois, ni le feu, l'acier, les éclairs, le froid métal qu'ont ces visages et ces regards, une intelligence dont rien ne fait douter, du goût, des certitudes, sans doute tristes, qu'il sait inutiles, de belles lèvres douces. Il ne brûlait ni ne coupait. Il avait vieilli, il a quarante-cinq ans. A mesure que le temps a passé, ses lèvres ne sont pas devenues moins douces, et sans crème, sans intervention, ont conservé ce qui plaisait, présentent maintenant des gerçures, restent douces, croit-on, ont gagné sur le visage quelques millimètres, se sont avancées. Les femmes ne veulent plus les baiser. Les années seules ont fait ces lèvres de femmes. Ses traits ne s'étaient pas adoucis, il échappait toutefois à la décomposition, aux joues, au nez piqués de rouge et de noir, aux taches, à ce qui pend, à ce qui tremble. Sa peau restait unie.

Les jours gagnaient de manière plus cruelle qu'en graissant ou qu'en gonflant de tares des traits adolescents. Ses joues disparaissaient, ses yeux devenus proéminents, son nez, un reste de menton constituaient son visage. Des arrêtes apparaissaient. Sa peau tendue entre ses arrêtes, unie, nette, est une pierre dont les éclats ont volé. On évoquerait à juste titre un couteau. Il n'avait pas connu d'épreuves, il réussissait sans joie. A présent, il disparaît sans douleur. Voici ce qu'est Marin : un suave silex.

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