dimanche 19 septembre 2010

135. Humilité (2).

Ou bien ce serait l'autre humilité : celle où les saints sont des femmes et des biches ; où les ivrognes, souillés, rendent en prononçant trois mots, appellent à eux les huppes et les geais, deviennent glorieux, dans le soleil ; où les femmes tondues, frappées, puantes ne se différencient plus des icônes ; lorsque le jeune homme grassouillet, quelconque et propre, est encadré de rayons. Quand ce qui est nécessairement désagréable, compliqué, désordonné, sans cesser d'aspirer à la grandeur, ce qui épuise et grouille par moments, que la fatigue, la bêtise, ni l'entêtement n'expliquent, ce qu'aucun mot ne peut contenir, devient un mot, débauché, misérable, criminel, menteur.

Un univers médiocre et irréductible devient un mot. Je suis la putain, le pédé. Il se leste de fierté, attend avec quiétude. L'imagination œuvre. Le Je suis criminel de Julien, oubliant pourquoi il a tué, qui il a tué, permet de vivre, certes, dans la souffrance. Ce n'est plus la complexité que nous ne supportons pas. Ce mot entre alors dans un vitrail, une gravure usée et plus noble étant usée, un évangile dont les marges claires attendent fleurs et liserés.

Voilà l'humilité des menteurs et des perdants, beauté, simplicité, qui n'est pas l'humilité.

[L'humilité consiste à ne pas savoir qu'on est humble, ce qui est impossible à qui la cherche. Elle n'est donc possible que dans la certitude de la bassesse et de l'orgueil : le désespoir des saints.]

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