Seul, il pensait à son père. Grand commis, ministre. De grandes charges, un grand pouvoir. De Rouen, et de trois-cents kilomètres carrés, les alentours de Rouen, il était le maître. Et sa retraite politique n'aurait rien signifié : conseils, influence, chiquenaude, passe-droit, sa maison de campagne était le centre d'un cercle dont la circonférence augmentait toujours. Il avait entendu, une vie durant, ton père, votre père, avec respect ou mépris. La colère et la bienveillance ne suivaient jamais ton père, votre père.
Il était député d'une circonscription que le nom de son père lui avait acquis. Il y avait son assurance, que chacun voyait. Il était député.
Devant des proches, il parlait de son père. Il singeait son père. Pensait à ses grandes victoires (le député socialiste, depuis trente ans député, vaincu), grand commis, ministre, premier ministre enfin. Au silence lorsqu'il était à la tribune. Aux vivats et aux sifflets, qui n'étaient jamais plus fort qu'après ses discours. Ses effets, ses chemises. Son peu de dignité, quand son père, encore ne sollicitait jamais d'excuses, avait travaillé comme dix, n'avait rien concédé. Lui, ne haussait pas la voix, n'avait pas ces amis-là, devait ses victoires à la chance, aux circonstances.
Il œuvrait bassement : un entretien avec un autre député, un journal spécialisé qui lui tend un micro, le budget à boucler, les ateliers, les discussions ; et les amis, rares. Le pouvoir qui ne glisse ni ne corrompt, qui ne le concerne tout simplement pas. Sa tenue décente pour un travail sans honneur, à peine utile. Son nom qui suscite les haussements de sourcil. Il était fatigué le soir, et comme il s'était promis de travailler toute la nuit, il s'endormait, dès onze heures. Les sarcasmes ne le touchaient pas, moins parce qu'on l'épargnait que parce que sa transparence le protégeait de tout. Les éclats, les scandales n'avaient pas prise : il soufflait tout au plus, était moins accablé par la colère que par une longue tristesse. Le plus souvent, c'était la seule fatigue qui le prenait. D'ailleurs, il entendait sans comprendre.
Il pensait encore à son père – et lui était infiniment supérieur.
Il était député d'une circonscription que le nom de son père lui avait acquis. Il y avait son assurance, que chacun voyait. Il était député.
Devant des proches, il parlait de son père. Il singeait son père. Pensait à ses grandes victoires (le député socialiste, depuis trente ans député, vaincu), grand commis, ministre, premier ministre enfin. Au silence lorsqu'il était à la tribune. Aux vivats et aux sifflets, qui n'étaient jamais plus fort qu'après ses discours. Ses effets, ses chemises. Son peu de dignité, quand son père, encore ne sollicitait jamais d'excuses, avait travaillé comme dix, n'avait rien concédé. Lui, ne haussait pas la voix, n'avait pas ces amis-là, devait ses victoires à la chance, aux circonstances.
Il œuvrait bassement : un entretien avec un autre député, un journal spécialisé qui lui tend un micro, le budget à boucler, les ateliers, les discussions ; et les amis, rares. Le pouvoir qui ne glisse ni ne corrompt, qui ne le concerne tout simplement pas. Sa tenue décente pour un travail sans honneur, à peine utile. Son nom qui suscite les haussements de sourcil. Il était fatigué le soir, et comme il s'était promis de travailler toute la nuit, il s'endormait, dès onze heures. Les sarcasmes ne le touchaient pas, moins parce qu'on l'épargnait que parce que sa transparence le protégeait de tout. Les éclats, les scandales n'avaient pas prise : il soufflait tout au plus, était moins accablé par la colère que par une longue tristesse. Le plus souvent, c'était la seule fatigue qui le prenait. D'ailleurs, il entendait sans comprendre.
Il pensait encore à son père – et lui était infiniment supérieur.
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