lundi 20 septembre 2010

139. Se payer de mots.

Le monde : un oignon, la trame moins que l'écheveau, la montagne des papiers, le pavage aux motifs qui ne reviennent pas, dont les flottantes fleurs sont losanges, canards, les cadres et les pampres, dont les allées bifurquent, la vieille rue : croulante et désirée, dont on ne sait si l'eau coulera, inondera, le sentier où nous cherchons l'eau, si le désert est à jamais, les boutures. D'autres métaphores furent inventées : la chose est entendue. Nous payons-nous de mots ? Ces mélanges, et les mélanges que d'autres firent peuvent-ils prétendre seulement à une seule et simple chose : non la vérité, mais l'exactitude. Peut-être l'approchent-ils ? Peut-être de manière certes imparfaite, lacunaire, mais astucieuse, et se flattant soi-mêmes, disent-ils une chose de ce monde ?

Pour dire qu'ils parlent et s'admirent en parlant, il faut qu'ils échouent. Est-ce le cas ? Ils n'agissent jamais, et quand les princes les mandent, ils les décorent. Ils sont à la tête, alors, de tout ce qui permet le pouvoir (ou l'impouvoir) et se perdent. L'oignon, la trame moins que l'écheveau, la montagne de papier, le pavage aux motifs qui ne reviennent pas leur permettent-ils d'œuvrer ?

Y a-t-il un point, une ligne qui sépare ce qui relève de la folie et ce qui relève de l'exactitude et de l'efficacité ? Peut-on prétendre aux deux ?

Nos prétentions, notre intelligence, ce que nous élaborons et qui augmente nos prétentions et notre intelligence, quoique trahissant le monde, fini-il par le modifier ?

Julien pensait sans doute trop. Eût-il moins pensé, et surtout renoncé à agir, eût-il eu raison ?

[1. Se paie de mots.
2. Exagère mais ça marche.
3. Mélange des deux.
4. Dire le monde, c'est le modifier.]

Aucun commentaire: