jeudi 7 octobre 2010

165. Délivrance vue du ministère (I).

Puisque nous devons expliquer ce qui c'est passé cette nuit-là, puisque nous pensons que le phénomène porte en lui son explication, puisque nous y voyons même ses causes, voici la délivrance. La souffrance porte de nombreux noms : ils les a tous prononcés, chacun lui permettait, pensait-il, de se comprendre, et bientôt d'aller mieux : inquiétude, remords, impuissance.

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Le pays, disait-on, allait mieux. Il est vrai que ce qu'il y a de courbes, de barres et de taux était réjouissant. Les mots qui guident nos vies, mais de manière si oblique, sans que nous sachions si la nouvelle d'un changement nous concernait, ou le changement lui-même, les mots étaient tous prononcés : croissance, chômage, commerce extérieur. Depuis quelques années, on parlait relocalisation, et chacun s'enthousiasmait. Le gouvernement, en place depuis deux ans, était félicité. Certains se demandaient s'il était vraiment à l'origine du phénomène ou s'il profitait de circonstances et d'une situation qu'il ne maîtrisait évidemment pas.

Si les Français profitaient de cette embellie Daumas (c'était son nom officiel) de l'annonce et de représentation d'une promesse d'embellie, dont Daumas n'était sans doute pas l'origine, en dépit d'efforts sincères, ils n'en profitaient pas de manière égale. Disons-le, les Français aux noms étrangers, aux peaux sombres, ne voyaient pas de changement (pas moins que les autres, mais il n'y avait pas de promesses de taux, de barres, de parts). La faim ni le froid ne tuaient en France, seulement, on y était humilié. On y brûlait un peu, aussi. Régulièrement voitures et commissariats et écoles brûlaient. Il y avait bien des raisons, l'humiliation sociale bien sûr, des raisons culturelles étaient avancées, la faillite de l'État, une qui ne fut pas évoquée, l'impossibilité d'exprimer une idée simple avec une phrase simple. Certains évoquent une révolte de la misère, d'autres, de l'opulence.

Reste que brûlaient voitures, écoles. Les policiers arrivaient. Des coups étaient échangés. On promettait davantage de sévérité et, en subtils dialecticiens, davantage d'espérance. Le premier prétexte faisait brûler voitures, écoles. Des plans étaient prévus.

Pour des raisons qui furent toutes évoquées, les mêmes, d'autres, de nouvelles et d'ingénieuses, de scandalisées, qui s'excluaient ou, dialectiquement se mêlaient, les feux s'allumaient de nouveau. Nous étions le **/**/****. L'horizon noir s'allumait de rouge et d'orange depuis maintenant un mois. Julien était ministre de l'intérieur.

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