jeudi 14 octobre 2010

175. JBR.

Son cœur ne put être sondé. Nous savons tous ce qu'il fit et par quels moyens il fut, douze ans, son pays. Il ne l'était pas comme son prédécesseur, qui était physiquement son pays, par les rues, avenues, par la capitale, qui portaient son nom, qui fit son pays par les centaines de maîtresses et les milliers d'enfants, par la Maison Acajou où il les amenait, qu'elles ne quittaient qu'au matin, par son nom et par son visage, par les poèmes à sa gloire, que chacun devait connaître, et que chacun récitait. Il le fut en coïncidant parfaitement avec ses aspirations : le besoin d'être fier, et de se dire que trente ans à se courber étaient nécessaires, était une marque d'honneur, et sa permanence, disait bien, lui qui l'avait soutenu trente ans durant, que le pays existait toujours, qu'on ne reniait rien, partant, qu'on pouvait être fier d'avoir connu et aimé la dictature. Il était aussi l'aspiration à autre chose, à la douceur d'un changement de régime, à la fin des tortures, aux relation normalisées avec les autres puissance : la fierté, la puissance qui ne se sépareraient plus de la dignité. Voilà pour ce qu'il était, ce qu'il fit, comment il le fit et pour quel résultat. Comment il nous apparaissait : l'adéquation parfaite entre ce que l'on attendait de lui et ce qu'il accomplissait. La médiocrité et l'efficacité absolues simultanées. Il n'aimait pas les femmes, ni les hommes, ni l'argent. Il buvait une bière par semaine, et quelques verres de vin. La nourriture ne lui était pas désagréable, ni les promenades. Il allait à l'Eglise, il n'est pas sur toutefois qu'il croyait. Il était la raison pour laquelle la dictature avait duré trente ans, la raison pour laquelle elle n'était plus. Par lui la transition démocratique fut possible, puis la démocratie. Puis le bipartisme et la stabilité de l'État. Il n'est pas sûr qu'il aima l'État, ni le pouvoir. Il ne l'utilisa pas, et ne fit rien que d'utile. Il fut tout-puissant quand il dut l'être, pourtant. Il rendit sa puissance dès que les crises étaient passaient. Son visage était disgracieux, sans attirer l'attention. On ne voyait que son ventre, et les costumes qu'il mit cinquante ans : olive, aux franges dorées.

Il est possible qu'une chose unique ait déterminé ce que fut le pays pendant cinquante ans : la satisfaction qu'éprouvait un homme quand le travail était bien, méticuleusement accompli.

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