samedi 16 octobre 2010

183. PARTIE II. Avant notre rencontre (6).

Je ne pense pas avoir été arrogant. Ou bien c'était une forme supérieure et moins élaborée de l'arrogance. Je ne méprisais rien et regardais tout de haut. Je voyais le monde depuis les nuages, je m'adressais parfois aux hommes. Pareillement, je ne connaissais pas l'inquiétude. La chance et le mélange d'intelligence, d'assurance et de charme qui suscite la chance m'était offerts. Cependant, mon crâne rose devenait plus visible. Un début de calvitie me rendait songeur. Je méditais. J'avais la taille fine, des amis (quelques uns) bientôt célèbres. Je portais, dès le réveil, des chemises blanches qui ne se froissaient pas. Le génie ni les prodiges ne me tentaient, je me contentais d'être brillant, de réussir et de plaire. J'avais des convictions, et une discrétion qui ne compromettait rien. Les sujets graves restaient graves. Beau (d'une beauté bourgeoise que je préfère à la beauté, et que le port et la couture font entièrement), intelligent, cultivé, drôle et divertissant (dans ce que l'humour a de léger, sa cruauté – unanimement goûtée – d'une seconde, n'insistant pas), dont le bon goût ne se compromet pas plus de deux répliques, moral, bon par tout ce que la beauté, l'intelligence, la culture, l'humour et la moral impliquent de bonté. Une absence de haine qu'un léger mépris et les mouvements de main remplacent. Il m'arrivait, par moments, de connaître le désarroi. Une vie tranquille, qui n'était pas une vie réglée, que les malheurs concernent parfois. Vivais-je ?

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