Sa mère, qui avait écrasé trente ans de vie publique, et qui l'avait, par la même occasion, écrasé, survivait dans son nom. C'était Jean-Marie G., fils de Marie G., pareillement diplômé, député, qui savait qu'il allait devenir tout ce qu'avait été sa mère, conduire les mêmes politiques, administrer les mêmes domaines, faire voter des lois de même inspiration, qu'il ferait tout cela et qu'elle lui serait toujours supérieure. Elle réussit plus jeune, fut puissante, plus redoutée mais aussi plus recherchée. Elle n'inspirait pas que la crainte. Ses alliés étaient craints. Elle devint, pour dix ans, la France. Quant à lui, sa puissance, c'était un nom qui n'était pas le sien. Un réseau dont il héritait. Des amitiés pour des hommes et des femmes qu'il méprisait et souvent craignait. Des plans que d'autres avaient tracés. Il ne savait pas ce qu'il désirait prouver, puisqu'elle ne pouvait être surpassée, qu'il ne l'égalerait pas, qu'il suscitait, tout au plus, une immense compassion, le mépris le plus souvent, puisqu'on ne tremblait pas devant lui, et qu'à la haine ne s'ajoutait pas une forme de respect. Elle suscita la stupeur. Une fois morte, on se vengea sur son fantôme. Inconsistant, il avait tout de même ses formes, un reste de menton, quelques phrases et des mouvements brusques, une ombre de regard qui n'était que d'elle. On se vengea un peu. Dix ans, on lui montra tout ce qui le séparait de sa mère, on le laissa prospérer, un peu, sur un héritage dont il n'était pas digne. On défit ce qu'elle avait fait trente ans. On se vengea encore. On le laissa perdre une circonscription, on l'oublia. Il trouva enfin un destin à sa mesure : retrouver des souvenirs presque tous douloureux, les bouteilles se succèdent. Accablé par sa médiocrité, il pense, avec raison, qu'il aurait pu être meilleur.
dimanche 24 octobre 2010
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