dimanche 31 octobre 2010

204. Raffarin.

Il était alors d'usage, pour celui qui, trente ans durant, s'était montré médiocre ou impuissant, souvent mesquin ou servile, la plupart du temps nuisible, et qui parce qu'il devenait vieux, qu'aucune récompense, électorale ou pas, n'était envisageable, ou qu'une rente lui était offerte, dix ans sénateur, entrée au Conseil constitutionnel, de jouer au sage. La rhétorique si lasse, si usée qu'il avait usée plus encore, vingt ans, trente ans, ne le concernait plus. Il ne prononçait plus les mots pétrifiés qu'il disait chaque matin. Il n'évoquait même plus la politique politicienne, qu'il s'obstina à combattre, jadis. Pareillement, ses dieux n'en étaient plus et, ingratitude terrible, étaient capables d'erreur. Lui même devenait capable de prononcer des phrases qui n'avaient pas été dites par d'autres. Il est mandarin. Il voyage. Une distance et un surplomb, la possibilité même de réfléchir avant de ferrailler devenaient sa coutume. Voilà qu'il parle, et qu'il n'éructe ni ne se prosterne. Il évoque le passé de la France, les grands hommes qui furent de droite comme de gauche. Il considère la France dans ce qu'elle a de plus vieux que le dernier entretien du chef de l'État. Il voyage et, dans ce qu'il voit en Allemagne, en Inde, en Chine, aux États-Unis, s'enrichit, entrevoit une géographie plus vaste, plus profonde que la Seine et l'arche de la Défense. Distance, surplomb, ce dont il était si dépourvu, voilà qu'il l'a fait sien, qu'il a cette distance, ce surplomb, qu'il en est prodigue et qu'il pourrait dispenser des leçons. Il apparaît, par moments, sympathique, sans doute parce qu'il est presque possible de l'écouter sans, désormais, changer de radio, de chaîne, mais parce qu'un bon sens parfois élémentaire, donc rare et précieux, se percevait, parfois, dans ce qu'il disait. Ou bien, ce qu'il n'avait pas de nuisible, mais de simplement terne, luisait d'un éclat inconnu, il parlait franchement aux puissants, ou se montrait sévère. Il parle avec mesure. Il est passé de l'insulte à la platitude. Doit-on se réjouir qu'un homme raisonnablement honnête, sincère, intelligent se trouve dans le dernier des hommes, et le plus malfaisant, que les porte-paroles, les secrétaire d'État à la coopération, les ministres de l'écologie, soient, une fois délestés des oripeaux qui résument leur vie, titres, ambitions, soient des hommes et des femmes ? Se désoler qu'en cinq mille ans, l'honnêteté publique n'ait pas progressé ?

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