Les grandes manœuvres avaient commencé.
Ce qui nous occupa durant des mois ne signifie plus rien, désormais. Rappelons tout de même qu'A. n'était plus secrétaire du Parti. Il fallait en choisir un nouveau et celui qui serait choisi, qui prendrait le parti, prendrait aussi la France : les prochaines élections ne pouvaient être perdues. Il fallait tout au plus se montrer généreux, susciter la confiance, éviter quelques combinaisons malheureuses.
Julien avait de nombreux amis. Il militait depuis huit ans et désirait s'élever. Quatre camps s'étaient donné rendez-vous. Les amis de Julien gagnèrent. Il m'importe peu de savoir comment, et qui fut traître, qui joua et l'emporta, par quel procédé, par quelle alliance, par quel jeu subtil et progressif, par quel coup de force. Il y avait eu ceux qui jouèrent la comédie du sérieux et de la responsabilité ; ceux qui promirent ; ceux qui firent croire en la possibilité et peut-être en la disponibilité d'un autre monde, ceux qui évoquaient la fraternité ; ceux qui se voulaient à gauche ; ceux qui disaient Jaurès, Hugo, Blum ; ceux qui n'aimaient pas la droite ; ceux qui disaient réformer ; ceux qui désiraient modifier le système.
Ses amis gagnèrent. C'était une amitié évidente, vieille et sincère. C'était aussi de profondes convictions. Il appartint au camp qui promit « justice et rigueur », qui fit « les seules promesses que l'on peut tenir », qui promit modestement, qui ne désirait pas susciter l'ivresse, qui promettait « le progrès et la responsabilité », qui ne prétendait pas s'être délivré de l'idéologie, mais dont les mots lumineux supprimaient ce qui heurte, ceux qui, avant toute chose, tranquillisaient. Ce n'était pas une tranquillité plate et satisfaite qu'ils offraient, mais la certitude que les tensions, la douleur, les crispations, l'épuisement que la lutte implique (non pas l'effort ou le scrupule) nous seraient évités. Ils gagnèrent assez largement. Ils s'étaient abusés eux-mêmes avant d'abuser le Parti et le pays.
Julien ne pouvait qu'appartenir à cette chapelle, dont le programme (lui aussi importe assez peu) qui prévoit d'assainir les relations sociales, le maintien d'une protection sociale forte, sa diplomatie, largement européenne, sa gestion prudente des emprunts, sa relance par légères touches de l'économie, la suppression de mesures impopulaires et parfois détestables, se résumerait facilement : son seul objectif était d'éviter, non pas dans la mesure du possible, mais avec minutie et inquiétude, les tensions, les souffrances inutiles, en somme, la douleur et le mal du monde. Bien sûr, la conscience et le soin apportés à déposséder le monde du malheur, s'oublier, s'admirer grand et scrupuleux, lui permettraient, à nouveau, de régner.
Ce qui nous occupa durant des mois ne signifie plus rien, désormais. Rappelons tout de même qu'A. n'était plus secrétaire du Parti. Il fallait en choisir un nouveau et celui qui serait choisi, qui prendrait le parti, prendrait aussi la France : les prochaines élections ne pouvaient être perdues. Il fallait tout au plus se montrer généreux, susciter la confiance, éviter quelques combinaisons malheureuses.
Julien avait de nombreux amis. Il militait depuis huit ans et désirait s'élever. Quatre camps s'étaient donné rendez-vous. Les amis de Julien gagnèrent. Il m'importe peu de savoir comment, et qui fut traître, qui joua et l'emporta, par quel procédé, par quelle alliance, par quel jeu subtil et progressif, par quel coup de force. Il y avait eu ceux qui jouèrent la comédie du sérieux et de la responsabilité ; ceux qui promirent ; ceux qui firent croire en la possibilité et peut-être en la disponibilité d'un autre monde, ceux qui évoquaient la fraternité ; ceux qui se voulaient à gauche ; ceux qui disaient Jaurès, Hugo, Blum ; ceux qui n'aimaient pas la droite ; ceux qui disaient réformer ; ceux qui désiraient modifier le système.
Ses amis gagnèrent. C'était une amitié évidente, vieille et sincère. C'était aussi de profondes convictions. Il appartint au camp qui promit « justice et rigueur », qui fit « les seules promesses que l'on peut tenir », qui promit modestement, qui ne désirait pas susciter l'ivresse, qui promettait « le progrès et la responsabilité », qui ne prétendait pas s'être délivré de l'idéologie, mais dont les mots lumineux supprimaient ce qui heurte, ceux qui, avant toute chose, tranquillisaient. Ce n'était pas une tranquillité plate et satisfaite qu'ils offraient, mais la certitude que les tensions, la douleur, les crispations, l'épuisement que la lutte implique (non pas l'effort ou le scrupule) nous seraient évités. Ils gagnèrent assez largement. Ils s'étaient abusés eux-mêmes avant d'abuser le Parti et le pays.
Julien ne pouvait qu'appartenir à cette chapelle, dont le programme (lui aussi importe assez peu) qui prévoit d'assainir les relations sociales, le maintien d'une protection sociale forte, sa diplomatie, largement européenne, sa gestion prudente des emprunts, sa relance par légères touches de l'économie, la suppression de mesures impopulaires et parfois détestables, se résumerait facilement : son seul objectif était d'éviter, non pas dans la mesure du possible, mais avec minutie et inquiétude, les tensions, les souffrances inutiles, en somme, la douleur et le mal du monde. Bien sûr, la conscience et le soin apportés à déposséder le monde du malheur, s'oublier, s'admirer grand et scrupuleux, lui permettraient, à nouveau, de régner.
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