Nous voyions des collège brûler. Que devions nous ressentir ? Colère, tristesse, horreur sacrée devant les flammes qui montent, et ce qu'elles détruisaient ? Pour nous, les collèges sont pris dans les flammes. Nous les voulions magnifiques et incandescents, le jaune plus soutenu, les tâches claires et parfois blanches, marquées, s'étendant, se substituant aux laides ailes, aux couloirs, à la cantine. Que le feu qui brûle soit celui de la colère qui tombera bientôt. Qu'il purifie . Qu'il soit fournaise.
Les murs cèdent aux couches de gris, fenêtres, barres, plaques. Elles sont bientôt grises, piquées de jaune, de blanc sale. Ils brûlent moins qu'ils ne diminuent. Des lumières passent par les fenêtres mais ce qui vient de la ville, voitures, immeubles, usines, les messages et les néons, à présent fourgons et camions, plus varié, mobile, les valent bien. Le collège cède et se dépiaute, lentement, tendrement. Il tient plus de la tarte, au four, fondante, suave au moment ou le feu la pétrifie. Par instants, l'air tremble, et un souffle chaud part. Nous avons toujours froid. Nous voulions le feu et la nuit. Voilà des murs livides qui se foncent et se tachent, des parois qui éclatent sans bruit, le verre qui cède. Nous ne voyons rien que de laid, et de décevant : des organes malades, chauffés, torts et gonflés, la récurrence des barres et des fiches, rouges, brunes ; des tas compliqués, noirs, qui tiennent du livre, de la craie et du globe. Des livres, sans doute, et la bibliothèque fut belle dans la nuit, plus brûlante et plus claire que les arbres de la cour, que les cuisines ou les salles de dessin. Plastique fondu, couvertures, des pages, et de petits volumes sales qui ont survécu. Un poumon fut chauffé, des griffes ont poussé. Le plafond et les chaises ne sont plus, ou si laids encore. Ils ne nous sont plus utiles. Le feu ne les a pas assez travaillés pour qu'ils nous effraient. Rien n'a été tourmenté. Tout est passé au noir, fatigué tout au plus. Nous voulions la ruine et les cendres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire