C'était aux derniers jours du monde. Nous scrutions les signes du malheur qui nous frapperait. Ce n'était pas le ciel qui se troublait, le feu qui tomberait du ciel, les sauterelles, d'autres plaies encore, les moissons malades, l'esprit qui arpente les ruelles, vient frapper ceux dont la porte n'est pas marquée du sang d'un agneau. Le ciel changeait, sans doute. Nous ne savions pas si nous devions lutter ou, avec plus de courage que pour la lutte, nous résigner. Nous ne savions sur qui porter notre colère, notre accablement. Les choses, pourtant, avaient cessé de mûrir. Ce serait bientôt, pour chacun, ceux qui tomberaient et ceux qui frapperait, l'heure de la délivrance.
Quels sont les signes de cette certitude : brûlent les voitures, les menaces plus insistantes, qui ne sont pas plus nombreuses, mais moins dispersées, dont la précision, l'imminence enfin, nous soulage. Surtout, les signes changeaient. Les vidéos contenaient moins de menaces que de sarcasmes. C'était un répit de quelques semaines. Nous n'étions plus sujets à la pesanteur, aux cris, aux pierres. Mais les sourires, et la concertation des sourires, la méchanceté qui se lisait au coin des lèvres, dans le regard, dans un bonnet descendu, sur les vestes, dans la force du cou, la manière dont les mains semblaient libres, tournaient et ne se refermaient pas. Les rues se vidaient, sans doute se concertait-on quelque part. Nous étions en octobre, et les orages n'étaient pas exceptionnels, il pleuvait, les éclairs parcouraient le ciel. Le ciel se délestait encore de sa pluie. Le soleil, me semble-t-il, est plus rare. Nous ne faisons que l'entrevoir, un coin, un angle, la présence chaude derrière un nuage moins épais, plus tendre. Les plaques grises et sombres se modifient, remuent par moments, nous laissent penser, présager. Le soleil n'est pas là, il ne pleuvra peut-être pas de la soirée. Les murs n'étaient pas nettoyés. Les tags ne disparaissait pas. Nous nous promenions, des cris montaient, insistaient. Nous ne savions pas s'ils nous étaient adressés personnellement, mais ils concernaient toute idée de permanence, de respect, de scrupules, qu'ils ruinaient. De grandes lueurs étaient visibles, la nuit, les marques grises, oranges, touchaient le ciel et formaient un halo. Elles montaient d'on ne sait quelle usine, quel collège brûlant.
C'était notre faiblesse, nos bons sentiments mêlés à notre vulnérabilité, nos forces nombreuses, dont nous ne disposions déjà plus, que chacun de ces signes nous rappelaient. Moins l'insolence, les insultes et la vulgarité qu'un mépris qui, bientôt, s'exprimerait autrement. Étions-nous des assiégés ? Mais de quel château, mais avec quels soldats, et protégés par quel rempart ? Nous ne serions pas frappés par le feu du ciel, des hordes barbares, par ce qui viendrait de sous la terre, des exilés qui nous entourent et déjà sont aux portes, mais de quelle citadelle ? Vienne le combat, la fin des temps.
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