samedi 16 octobre 2010

184. Ils arrachent une dureté, etc.

Qu'est-ce que le pouvoir dont ils se nourrissent ? Des choses dorées, les fleurs blanches et jaunes changées chaque matin, la livrée noire que portent commis et huissiers, les cravates des secrétaires, les tailleurs d'autres secrétaires, et d'autres signes encore, les plaques de marbres, les sabres levés, les tapis rouges sur lit de gravier. La main tachée (ce n'est pas de l'encre), pommadée, qui faiblit et, pourtant, signe l'ordonnance. Les repas au cours desquels on mange peu, dont la ligne d'horizon (la ligne grenat, le verre qui tremble et que l'on brandit parfois), longs, où, le verbe paraît, le respect. On l'humilie à l'Assemblée, dans les journaux, mais on ne l'interrompt lorsqu'il commente un vin, un livre qui paraît, les nouvelles du matin. Les femmes et les secrétaires qu'il renverse, et montrent encore ce qui ressemble à une émotion. Moins le respect ou la gloire que ce que la tradition a figé, où s'exprime toujours un pouvoir que l'on aime et dont on trouve une dignité. Ce qui entoure un vieillard, parfois quadragénaire, parfois indigne, qu'on répugne à oublier : moins le fait de gloire que le conséquence de la gloire. Les honneurs, qui font que l'on oublie l'origine des honneurs, dont la vie se poursuit, rituels, quelque chose de sacré pour qui rien ne l'est. Ils se nourrissent moins de leur puissance que de ce qui accompagne cette puissance, non les richesses et les genoux qui plient, mais un sentiment qui passe outre le mépris et l'antipathie, outre les faits de guerre, et la puissance, qui n'est pas l'admiration, moins encore le respect, la soumission, l'adhésion, qu'une aura n'explique pas. Ce qui donne aux plus cyniques un rien de stupeur. On attend sa mort, il est ridicule chaque jour, mais on n'interrompt pas un discours. Qu'est-ce que ce pouvoir ? Une substance permanente, ou plus durable que ceux qui l'exercent, dont ils arrachent une dureté, une stabilité, une force ? Quelle est cette substance ? Un mélange de puissance et de protocole, le droit de parler et de jouir ? Être écouté, signer, qu'enfin, dire et désirer devienne une cause ? Ceux qu'un cancer envahit et empoisonne, ceux qui vieillissent et dont le cœur bat de manière irrégulière ne savent pas ce qu'il assimilent. Ils renonceront à vivre, non à exercer ce qui relève des bouquets des verres levés et des j'ai dit à la France. Ils tremblent. Ils ont à prononcer quelques mots, qu'ils ont tenu à écrire. Ils sont à nouveau des rois.

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