Il eut ce que le talent ni le courage d'offre : la chance. Un bateau eut une fuite, et le pétrole s'étendit, s'avança jusqu'à menacer le rivage d'Eylött. Il y avait là des maisons, des plages et, plus au Sud, un parc naturel. Le ministre en charge de l'écologie y alla. Julien le suivit. Ils parlèrent et promirent. Les écologistes ne désemplissaient pas les lieux. Il y eut les écologistes et les marins. Les uns défendaient la planète, les autres leur vie. La polémique n'était pas encore nationale. Le souci venait de ce que certains avaient des fusils, d'autres des couteaux. On ne sait pour quelle raison l'assaut fut donné. On ne sait d'ailleurs pas pourquoi Julien fut le seul homme politique présent, alors que tous avaient quitté les lieux depuis quelques heures. Les policiers arrivèrent une heure plus tard. Les ministres, ni les députés n'arrivaient. Il eut de la chance d'être là. Il sut renseigner la police. Il ne supervisa pas l'évacuation ni ne dirigea l'assaut. Les faits ne présentant aucun intérêt. Cependant il était là, il sut merveilleusement résumer la situation aux journalistes venus dans l'heure, parler, et prononcer les phrases si justement balancées qui seraient sa marque : nous comprenons et mais nous ne pouvons approuver, une juste colère face au désespoir, etc. Le miracle était que ces phrases lui étaient naturelles, lui venaient sans qu'il ait à se forcer. Son univers n'était pas blanc et noir. Il était merveilleusement dialectique. Les ressorts de chacun étaient évidents. Rien ne se résolvait, mais tout s'entendait. De rares spécialistes politiques ne découvrirent pas son visage. Il apparaissait sympathique à tous. Chacun le résumait bien sûr à cet épisode, ce qu'il disait n'intéressait pas, ses convictions, ni son travail, ni ce qu'il représentait. Il était l'homme d'Eylött. Ce qui s'attachait à lui et qui s'ossifiait déjà en banalités, par chance, et par la rencontre de la chance et de sa personnalité, ne suscitait que la sympathie : c'était un garçon appliqué, qui manifestait quelque intelligence, quelque sens pratique, que la souffrance pouvait émouvoir, qu'il la comprenait, qui parlait bien.
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