La VIe République devait être la synthèse de la IVe et de la Ve, assurer simultanément l'efficacité et l'équilibre des pouvoirs, la puissance du législatif et de l'exécutif, le rôle d'un président et celui d'un parlement, la modération et la réactivité, éviter le règne des partis, c'est-à-dire des médiocres et d'un seul homme, c'est-à-dire d'un roi entouré de sa cour. La Constitution, que nous votâmes le **/**/** réduisit les pouvoirs du président, augmenta ceux du parlement. Elle les sépara plus franchement. Elle introduisit une dose de proportionnelle. Elle permit au Parlement de devenir plus puissant et, parce qu'il était moins facile de conserver une majorité que précédemment, parce que le scrutin uninominal existait encore, et qu'il fallait ferrailler et convaincre, composer sans doute, pour décider et agir, quelques individualités apparurent. Parce que le président n'était plus tout-puissant, que le premier ministre n'existait plus, des personnalités apparurent également parmi les ministres. Un homme ne décidait plus de tout. Quelques princes pouvaient à présent régner. Une aristocratie se forma. Le pouvoir dépendait moins étroitement du peuple ou des instituts de sondage. Nous vîmes de nouveau des barons et des familles. La primogéniture mâle avait de nouveau cours. Le pouvoir se conservait plus terriblement. Il n'y avait plus d'homme à qui le demander. Il n'y avait plus d'officine, d'antichambre où le convoiter puis s'en emparer. Le pouvoir venait à nouveau de la terre.
L'impression de médiocrité ou, plus encore, d'uniformité, disparut. Il y avait à nouveau des places à prendre, des charges à tenir et à exercer. L'ordre ancien, dans ce que l'inégalité a de rassurant, de divertissant, réapparaissait, avec fiefs, habit ducal, serment des pairies, pactes, palais, privilèges, trahison, et poignard ajusté sous l'omoplate. La nostalgie pardonna beaucoup de choses. On se désespérait d'un nouveau système, et sans doute taré, mais il réjouissait. Les passes d'armes ne semblaient pas si inutiles et incontournables. Il y avait à gagner.
Un plus grand mensonge cependant, n'avait pas été révélé. Tandis que l'on tuait ou que l'on s'amusait, que l'on se disputait, qu'une dynastie naissait et ne laissait personne toucher à ce pouvoir, on oubliait qu'il n'existait pas, et qu'on ne mourrait que pour ses apparences, dorures, voitures, honneurs.
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