Et voici ce que vit la Nation : des vidéos prises par des téléphones portables. Les feux et les ombres qui courent entre les feux. Le surplomb que donnent trente étages, la nuit brune, les taches jaunes et rouges, l'auréole qui couvre ces taches et bientôt la nuit, qui, noire, brune, grésille et, laiteuse, attend encore d'autres ombres, et d'autres poursuites. Au matin, ce qu'elle voyait : les barres et les tours, laides, la surprise de voir qu'il y avait des plantes et des fleurs, que le matin et le soleil pénétraient jusque là. Pourtant, les images défilaient, et c'étaient à présent les sombres voitures, fondues, les sombres traces, le bitume qui a brûlé. Ce qu'elle entendit : la glose, par les journalistes, par les spécialistes, par ceux qui étaient là et qui virent, par ceux qui s'y attendaient. Les mots qui revenaient, un rythme, peut-être une mélodie, continue, sans saccade ni secousse, jeunes, banlieues, Islam, chômage, République, espoir, répression, réglé, organisé, chacun dit ce qu'il est prévu qu'il dise : familles, spécialiste, politiques de gauches, politiques de droite. C'était ce qu'elle entendait depuis vingt jours et depuis vingt ans.
Et voici ce qu'elle vit et entendit cette nuit-là : le soir d'abord, c'était les images de la veille. Les chaînes d'information, la nuit, montraient des images d'archives. Ce ne devait être qu'une nuit parmi d'autres. Puis vers deux heures quelques insomniaques apprirent que cette nuit pouvait être différente : que les flammes allaient plus haut, que les cris montaient, également, s'amplifiaient, que le calibre des balles tirées augmentait. Les rédactions, vers quatre heures, savaient que des choses importantes, entendons graves et faisant frémir, s'étaient déroulées. Les éditions du matin disaient, vers six heures, que l'armée était intervenue, qu'on était mort, cette nuit-là. Les chiffres variaient, augmentaient et dépassaient les douze morts de la nuit. Les journaux disaient Nuit de violence, Nuit sanglante, Plus de dix morts, Au bout de la nuit (personne ne pensa à Nuit de Chine, Nuit câline). Les spécialistes étaient dépêchés, dès six heures. Un seul programme était prévu, pour les heures à venir. Violence, morts, parmi les jeunes, parmi la police.
Le président de la République devait intervenir le soir. Julien Queuille parla dès onze heures, et parla moins de deux minutes.
Deux lignes mélodiques, pour toute la journée se mêleraient, bandeaux défilants, arrière-plan, images, vidéos, et derrière, la voix de Julien Queuille : la nuit et les morts, c'est une décision que j'ai pris seul, et j'offrirai ma seule démission.
Et voici ce qu'elle vit et entendit cette nuit-là : le soir d'abord, c'était les images de la veille. Les chaînes d'information, la nuit, montraient des images d'archives. Ce ne devait être qu'une nuit parmi d'autres. Puis vers deux heures quelques insomniaques apprirent que cette nuit pouvait être différente : que les flammes allaient plus haut, que les cris montaient, également, s'amplifiaient, que le calibre des balles tirées augmentait. Les rédactions, vers quatre heures, savaient que des choses importantes, entendons graves et faisant frémir, s'étaient déroulées. Les éditions du matin disaient, vers six heures, que l'armée était intervenue, qu'on était mort, cette nuit-là. Les chiffres variaient, augmentaient et dépassaient les douze morts de la nuit. Les journaux disaient Nuit de violence, Nuit sanglante, Plus de dix morts, Au bout de la nuit (personne ne pensa à Nuit de Chine, Nuit câline). Les spécialistes étaient dépêchés, dès six heures. Un seul programme était prévu, pour les heures à venir. Violence, morts, parmi les jeunes, parmi la police.
Le président de la République devait intervenir le soir. Julien Queuille parla dès onze heures, et parla moins de deux minutes.
Deux lignes mélodiques, pour toute la journée se mêleraient, bandeaux défilants, arrière-plan, images, vidéos, et derrière, la voix de Julien Queuille : la nuit et les morts, c'est une décision que j'ai pris seul, et j'offrirai ma seule démission.
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